mardi 31 décembre 2013

Fractures Françaises (Christophe Guilluy) et commentaires personnels

Cet article un peu ambitieux a pour objectif de confronter ma compréhension du livre "Fractures Françaises" de Christophe Guilluy qui éclaire la situation française actuelle et une synthèse des éléments de réflexion éparses que j'ai déjà pu distiller dans ce blog.  Certains sont convergents d'autre non.


ATTENTION: Les propos de Christophe Guilluy sont parfois tendancieux et ont été repris à ce titre par différents réactionnaires de droite et d'extrême droite. Je ne m'inscris pas dans ce mouvement. Pour être complet, Christophe Guilluy semble être de tendance Chevènementiste (si si ça existe encore) mais son propos destiné à la gauche française a surtout  résonner chez Nicolas Sarkozy lors de sa dernière campagne et sur les sites d'extrêmes droites souverainistes. 


L'analyse de Christophe Guilluy s’appuie sur son étude des classes populaires "d'origine française". Il analyse l'évolution de la société française sous l'angle de la géographie depuis 20 ans. Je ne rentrerais pas dans le détail de la démonstration (je vous invite à lire le livre, un peu laborieux mais étayé) mais je m'attacherais à sortir les grandes lignes. Il y a également beaucoup de précautions de langage que je vais m'épargner. En tant que bobo du centre ville plutôt de gauche, je m'en prends plein la figure mais j'assume mon statut. 
1. Les constats partagés
  •  Une économie mondialisée, multiculturelle et multipolaire
Évolution du monde XXème siècle - 2046?


Dans une économie mondialisée, l'économie française produisant de la richesse s'est tertiarisée au sein des grandes métropoles (Paris, Lyon, Lille...) permettant aux classes sociales supérieures de profiter de ce mouvement de mondialisation qui se déclinent de la manière suivante: 
- Mobilité choisie à l'échelle d'un réseau mondial de grandes métropoles 
- Multiculturalisme source d'ouverture sur le monde 
- Concurrence mondiale et tertiarisation de la valeur ajoutée dans les pays occidentaux

Dans le même temps, deux phénomènes ont eu lieu en France: 
  
- Une délocalisation dans les zones périphériques des métropoles des moyens de production industriels (mouvement déjà vieux de 20-30 ans) 
Cette délocalisation a produit un éloignement de fait des classes populaires des centres urbains. Christophe Guilluy nous indique ainsi que "deux siècles après l'exode rural des XIXème et XXème siècle, on assiste au départ des couches populaires des lieux de pouvoir économique et politique."  

- Les classes populaires en première ligne des corolaires négatifs de la désindustrialisation liée la mondialisation
Les classes populaires, à la démographie constante, éloignées des centres urbains se retrouvent à affronter les effets néfastes de la mondialisation néo libérale. 
C'est ce que j'avais déjà souligné dans un article en citant Jean Michel Severino "l'abondance des ressources humaines dans une économie globalisée va frapper durement toutes les couches sociales les moins formées de notre société de pays développé, victime de la concurrence de la main d'oeuvre à bas cout."
On peut délocaliser les moyens de production mais pas les classes populaires qui se retrouvent ainsi face aux problèmes du chômage de masse et d'un affaiblissement de leur niveau de revenu. 


  •  La question des quartiers sensibles de la proche périphérie     
Cité du Luth - Genevilliers

Deux phénomènes se distinguent sur les quartiers sensibles. 

- Ces quartiers sensibles accueillent une main d'oeuvre immigrée bon marché permettant de fournir les services peu qualifiés aux gentrifiés des centres villes


Ce phénomène moins saillant en France qu'aux États Unis ou des pays en voie de développement se rapproche de ce que je considère comme une économie "tiers mondisée". A New York par exemple, j'avais souligné dans un article précédent que la population était littéralement coupée en deux entre les emplois supérieurs et une multitude d'emplois de petits services à la personne au niveau de qualification très faible (au supermarché, il y a une caissière et une autre personnes pour remplir vos sacs....)  

Christophe Guilluy souligne que c'est grâce à cette main d'oeuvre bon marché, sorte de concurrence "déloyale" par rapport aux classes populaires d'origine française que le bobo de centre ville peut continuer à aller manger pas cher dans le troquet du coin (pour illustration, jeter un œil dans les cuisines des restaurants parisiens, ce sont très majoritairement des pakistanais à la plonge, même chez les traiteurs chinois....)  
 
- Ces quartiers connaissent une forte mobilité résidentiel et fonctionne comme un "sas" d'entrée dans la société française

Ces quartiers fonctionnent aujourd'hui comme un "sas" pour les travailleurs immigrés d'afrique du nord ou sub saharienne et autres. En regardant les chiffres, on s'aperçoit que ces quartiers ont un taux de rotation très élevé et que les populations concernées ne font que passer pour aller ensuite s'implanter dans des territoires plus accueillants (seulement 20% des immigrés habitent dans les quartiers dits "sensibles").
 
- Les corollaires: insécurité et inversion majorité / minorité ethno culturelle 

Christophe Guilluy nous indique que l'insécurité dans ces quartiers est de mise et n'a pas réellement diminué malgré les efforts de la politique de la ville. Difficile à traiter, ces problématiques le sont d'autant plus qu'elle concerne une population en perpétuelle évolution, donc difficile à prendre en charge sur le long terme. Créer des emplois revient à favoriser la mobilité résidentielle des habitants vers des territoires plus cléments.  
Autre point souligné, dans ces quartiers, les "français d'origine" sont aujourd'hui minoritaires (cf communes de banlieue: La Courneuve, Vénissieux...) ce qui pose la question de l'intégration (à quel modèle je m'intègre: le modèle culturel national ou le modèle communautaire de ma commune, sujet polémique, je m'en expliquerais plus loin)


  • "Gentrification" des centres urbains au sein des grandes métropoles
- Une colonisation des quartiers populaires

Repoussant les classes populaires loin des centres des mégalopoles, on assiste à un phénomène de gentrification, ou embourgeoisement bobo, des centres urbains des grandes métropoles. Les bobos de gauche reconquiert les quartiers "populaires" en raison de leur attrait multiculturel mais surtout des prix du foncier (certains articles sur le renouvellement urbain des centres qui malheureusement s'accompagne souvent de ce phénomène).

Cette catégorie des classes moyennes supérieures profite à plein des phénomènes de mondialisation et met en avant selon Christophe Guilluy le multiculturalisme comme le nouvel horizon.

- Les corollaires: mixité fantasmée et violence symbolique envers les classes populaires 

Selon Christophe Guilluy (mais à qui je ne peux pas réellement donner tort), les bobos valorisent le multiculturalisme mais ne sont pas ceux qui vont le plus se mélanger. On vit à côté mais pas ensemble. Cela est d'autant plus criant lorsque l'on évoque la pratique délétère de l'évitement scolaire (prégnant à partir du collège). Paris est la zone où il y a le plus de dérogation à la carte scolaire (40% de mémoire).

L'autre point qu'il souligne est la violence symbolique que représente la colonisation des quartiers populaires par les classes supérieures. Cela revient à rejeter les classes populaires de fait loin des yeux (et loin du coeur?).
  • Disparition de la notion de classe moyenne et éloignement des classes populaires vers le périurbain ou le rural   

- La disparition de la notion de classe moyenne 

La thèse de Christophe Guilluy est que le mythe de la classe moyenne forgé au cours des trentes glorieuses comme un aboutissement du développement de la société est mort avec l'avènement de la mondialisation. 
Il distingue ainsi les classes moyennes supérieures (cadres sup, professions intellectuelles des grandes métropoles) dont le paragon est le bobo de gauche des centres villes (moi) et les classes moyennes inférieures qui sont en voie de déclassement (employés, ouvriers,...). A y regarder de près, son propos est de dire que ces catégories subissent de plein fouet la précarisation et l'insécurité sociale et que leur niveau de revenu est aujourd'hui aussi faible que beaucoup des immigrés.

A son sens, on confond à dessein dans la notion de classe moyenne avec celle de classes populaires "blanches" d'origine française (mais que veut dire d'origine française? nous y reviendrons plus tard). C'est un artifice lié à la spécificité de la République française qui s'interdit de distinguer les citoyens en fonction de leur origine ethnoculturelle dans les statistiques ou les politiques publiques entre autre. On parle alors de territoires sensibles qui comme nous l'avons vu se confonde de plus en plus avec une ghettoisation ethnoculturelle (sujet polémique sur lequel je ne suis pas forcément en accord, je m'en expliquerais plus loin).   

- Un déplacement de ces classes populaires "blanches" vers les périphéries périurbaines et rurales vers l'habitat individuel pavillonnaire 

Ces classes populaires blanches se localisent aujourd'hui vers les périphéries de deuxième couronne et les zones rurales dans un habitat à dominante pavillonnaire (ce que j'appelle le syndrome de la maison Aura) en raison des prix exorbitants des centres urbains et de l'insécurité / sentiment de devenir minoritaire des proches banlieues. 

Les conséquences d'après Christophe Guilluy sont multiples: 
- Éloignement des marchés de l'emploi les plus dynamiques 
- Mise à l'écart du mouvement global économique et multiculturel
- Ressenti des conditions de transports: prix du pétrole, temps de parcours...
- Sentiment d'isolement et de délaissement de la part des élites et des pouvoirs publics 
- Difficulté de mobilité géographique en raison du statut de propriétaire de leur logement   


Ainsi cette classe populaire "blanche" vit dans un rêve d'accession à la classe moyenne passant par le statut de propriétaire de "pavillon" qui est aujourd'hui plus le signe d'un déclassement (si on met à l'écart les îlots périphériques de communes riches d'entre soi). Elle d'autant plus touchée dans son âme que ces classes populaires sont encore très marquées comme le reste de la société par les principes républicains d'égalité entre les citoyens. Elle s'imagine donc encore faisant parti de la classe moyenne, grande majorité nationale. 

- Les conséquences sociétales - Vers une remise en cause du vivre ensemble?

Elles sont malheureusement assez simples à constater sur le plan électoral en tout cas.

- Une défiance vis à vis des élites politico médiatiques des grandes métropole et de notre démocratie représentative 

J'avais produit une petite infographie à l'occasion des élections à Hénin Beaumont. On assiste à un double effet de: 
- l'abstention massive en particulier pour les élections perçues comme les plus "technocratiques", européennes en tête
- le vote protestataire qui se dirige vers les partis d'extrême droite populistes et abandonne massivement la gauche
 

- Une fractures géographiques nette qui se traduit entre autre par la carte du vote FN 
Les centres urbains sont devenus de gauche (dans mon arrondissement du centre de Paris, François Hollande a obtenu plus de 85% des suffrages), le vote réac s'est déplacé vers ces périphéries évoquées plus haut. 




2. Les éléments de débats



  • Mondialisation économique et multiculturelle
 http://me3zaa.blogspot.fr/2013/01/petite-poucette-de-michel-serres.html

Je comprends bien que la Petite Poucette de Michel Serres n'est pas forcément une habitante de la périphérie de Bar le Duc (quoique?). Néanmoins, comme Christophe Guilluy nous indique que le déclassement des classes populaires est un fait, je dirais que la mondialisation économique et culturelle est un fait. 

Alors que Christophe Guilluy accuse la gauche bienpensante d'être enfermée dans une grille de lecture passéiste, son propos de renverser le processus de mondialisation en se refermant sur nos frontières est une vision passéiste d'une France dominante du début du XXème siècle et d'une Europe centre du monde. ll est suicidaire pour notre pays de faire croire qu'en instaurant du protectionnisme et se refermant sur nous, nous pourrions réintégrer les classes populaires au sein de notre Etat Nation. Cette notion même est d'ailleurs une construction récente à l'échelle de l'histoire (je la situerais principalement à partir de la 3ème République mais c'est discutable bien entendu) et évoluera.  

Il le met d'ailleurs lui même en avant timidement en fin d'ouvrage "la question de savoir si il est possible d'élaborer des politiques sociales à l'échelle européenne ou mondiale apparaîtra surgira inéluctablement dans les prochains scrutins électoraux". 


  • Classes populaires oubliées des élites et du système français
http://me3zaa.blogspot.fr/2011/11/pour-une-autre-politique.html

Christophe Guilluy souligne dans son livre que les élites (surtout de gauche) de notre pays vivent dans la bulle des métropoles et ne voient plus ces classes populaires blanches mais se focalisent lorsque l'on parle de pauvreté sur les quartiers sensibles. 

Je dirais que si les élites éprouvent les bienfaits de la mondialisation et ont une vision surement partielle de la situation de ce pays, notre système politique français laisse justement la part belle aux espaces ruraux qui sont surreprésentés dans nos instances représentatives. Je suis toujours choqué par la représentativité d'un député de Lozère par rapport à celle d'un député de Seine Saint Denis.  

Pour venir d'un département très rural, j'ai toujours été étonné par la densité de services publics, le nombre de dispositif divers et variés en faveur des habitants même si il est factuel que l'on tend vers une diminution de ces derniers.


Par contre, c'est surement une des explications de la vacuité des débats politiques, on essaye de trouver le dénominateur commun entre: 

- Des élites et classes supérieures qui ont les deux pieds dans la mondialisation et qui vivent les problématiques à cette échelle mais qui n'osent pas le dire (c'est pour cela entre autre selon moi que l'on parle de l'Europe ou de la mondialisation comme d'un "autre" alors qu'il est ce que l'on en fait)

- Des classes populaires qui vivent leur réalité périurbaine et rurale subissant les méfaits de l'évolution économique voyant d'un œil circonspect les dynamiques à l’œuvre dans les grandes métropoles avec des problèmes quotidiens liés à l'insécurité sociale ou fantasmée de l'insécurité physique

On n'élève pas le débat à se concentrer sur l'écume des problèmes, un espace commun entre deux catégories de la population qui vivent sur des plans parallèles, chacune présentant une défiance forte l'une vers l'autre.


En lien avec le point ci dessus, je dirais que la question centrale est plutôt "Comment intégrer dans une solidarité nationale, européenne et mondiale  les classes populaires pour qu'elles puissent elles aussi profiter des dynamiques positives en cours?" 

Ce problème est d'autant plus prégnant que notre système de rerépartition subit des déséquilibres importants. J'ai entendu et j'en suis assez persuadé est que les dépenses de redistrubution des richesses en France est d'autant plus couteux que notre système actuel créé de manière intrinsèque des classes sociales qui n'ont pas accès à la production de richesse et qui nécessitent donc une solidarité accrue. C'est une politique curative a posteriori alors que l'on pourrait prendre le problème à l'origine en modifiant notre système de société, en jouant sur l'éducation en premier lieu. Un nouvel avatar de la privatisation des bénéfices par les  entreprises et les classes supérieures et une mutualisation des pertes sous la forme de redistribution aux classes populaires, premières victimes du mouvement économique néolibérale.

Je n'ai pas de réponse, si ce n'est que la solution n'est pas celle que l'on entend dans le dogme néolibérale à savoir de niveler par le bas et mettre en concurrence frontale les prolétariats du monde. 

  • Modèle social français
Serveuse septuagénaire (?) dans un Mac Do aux Etats Unis 
La France a fait le choix, judicieux à mon sens, de ne pas permettre les emplois "low cost" ultra flexibles et sous payés à travers des règles sociales plus strictes et une notion de salaire minimum relativement élevé. Cela a permis de minimiser le phénomène des petits petits services à la personne qui maintient dans un statut de précarité les salariés comme aux États Unis ou le Royaume Uni par exemple. Voir là

Notre modèle social subit des coups de boutoir à répétition mais il a l'avantage de minimiser les effets de balanciers économiques que l'on peut voir chez nos amis britanniques par exemple (sur les 2 dernières années, la croissance du Royaume Uni a été bien meilleure que la notre mais la récession auparavant fait que sur 5-6 ans c'est kif kif avec la France).

  • Séparatisme et mise en cause du modèle républicain  
Le plus polémique dans le livre de Christophe Guilluy concerne tous les aspects ethnoculturels. Son propos, très marqué par le risque du communautarisme à la mode anglosaxonne, est que l'égalitarisme républicain est aujourd'hui en voie de disparition de fait. Malgré la résistance qu'il a apporté à la communautarisation et son sentiment toujours vivace dans les populations, la réalité selon lui aujourd'hui est triple:
- des centres urbains qui vivent dans l'illusion de la mixité sociale avec des qui bobos qui sont plus dans la juxtaposition que dans l'intégration
- des banlieues dites sensibles où les minorités ethno culturelles sont devenues majoritaires ce qui rend impossible aux yeux de Christophe Guilluy une intégration (je m'intègre si j'ai un cadre culturel dominant autour de moi) 
- des périphéries et espaces ruraux à dominante de classes populaires "blanches" 
Il y a donc un séparatisme social, ethno culturel et géographique qui se met en place et qui est reflété par la carte électoral (Christophe Guilluy nous indique que les "musulmans" ont voté à plus de 90% PS, les centres urbains majoritairement PS/Vert et les catholiques pratiquants à 77% pour l'UMP lors des élections présidentielles de 2007). 

Christoiphe Guilluy se désole également qu'il n'y est pas de statistiques ethniques en France ce qui empêche à son sens l'analyse des réalités sociologiques en cours. 

C'est une vieille question entre les indicateurs et les effets pervers. Je crois peut être naïvement que notre modèle Républicain a permis et peut permettre de transcender ces questions ethno culturelles. Même si c'est un outil en moins pour comprendre ce qu'il se passe, le fait de mettre des mots donnent aussi une réalité ancrée dans les institutions. Une fois n'est pas coutume, une citation de la bible "Au commencement était la Parole". 
De plus, le statut de citoyenneté française doit il passait forcément par une ethnicisation? Il y aurait des français "blancs" légitimes et des français "bazanés ou noirs" qui sont membres de seconde zone de la République. Est ce le fait religieux? En tant que laïc viscéral, je m'inscris en faux contre cette vision. La France n'est pas chrétienne plus qu'elle n'est islamique ou juive. Si ce n'est ça, serait ce alors simplement une question de couleur de peau? Leur statut d'anciens colonisés? Le fait culturel? mais quel est la culture française si ce n'est une construction (à l'étranger; le plat français le plus connu est le couscous...). Les immigrés italiens ou polonais sont ils des français d'origine? Enfin, on parle de catégories ethno culturelles, aux Etats Unis, les arabes sont classés parmi les blancs... cqfd. 
  
  • Condescendance des  élites vis à vis des classes populaires et des modes d'habitats
Selon Christophe Guilluy, il y a de la condescendance des classes supérieures envers les classes populaires qui sont accusées d'avoir un comportement égoïste à travers le mode d'habitat individuel dont le parangon est le pavillon individuel. Selon lui, les classes populaires ont par essence raison et ne doit pas subir des jugements de valeurs. De plus ce sont par elles que la situation évoluera. 

Je me sens clairement en accusation dans ces propos. Je dirais une seule chose, on a tous un crétin qui sommeil en nous.  Il se réveille plus ou moins selon le contexte ou le discours ambiant.  Ce fait est trans-classes sociales, pays, cultures, religions...  Ce qui vient de la classe populaire n'est pas parole d'évangile, autant que ce qui vient des classes supérieures. A vouloir légitimer un mode d'aménagement du territoire suicidaire d'un point de vue social et environnemental, on va dans le mur. Ce n'est pas parce que c'est une réalité qu'il faut s'en féliciter. 


  • Le fait urbain
On ne peut pas écarter d'un revers de la main le fait urbain. Les quartiers dits sensibles sont en effet des concentrateurs de pauvreté importée et d'insécurité. Christophe Guilluy nous indique que ces quartiers sont "sur aidés" par rapport aux autres secteurs du territoire. 

Premier point, toutes les analyses que j'avais lu jusqu'à présent montrer le contraire, à savoir que les territoires de banlieues sensibles étaient sous équipés en termes d'équipement publics. 

Deuxième point, la République ne peut pas laisser à l'abandon des pans entiers du territoire dont la forme urbaine porte en soit le mal logement. Il n'y a pas besoin d'avoir peur du communautarisme ou de l'insécurité pour ne pas vouloir habiter dans la cité des 4000 à la Courneuve. Les investissements actuels de réhabilitation de ces quartiers sont un juste rattrapage après des décennies de sous investissement et les efforts qui sont faits pour les réintégrer dans le tissu urbain et par extension social sont louables et justifiés. 

Le syndrome du pavillonnaire moche et isolé porte également tous les germes du déclassement. J'espère que ce qui y vivent y trouve leur intérêt mais ça ne semble pas si évident d'après Christophe Guilluy. En tant qu'urbaniste et travaillant dans le domaine des transports, ce type d'aménagement du territoire est un non sens urbain/environnemental/esthétique même si il est encore attractif pour beaucoup. 

D'ailleurs l'ensemble des politiques publiques d'aménagement tendent aujourd'hui vers un meilleur équilibre des villes centres, villes secondaires et périphéries en privilégiant la densité. Ce n'est pas à mon sens une fatalité de chasser les classes populaires des centres villes et des métropoles. Une politique de développement urbain et de logement social pertinente peut contrer ces effets. Exemple, on observe un frein dans l'extension de l'aire urbaine et de la production de logement diffus autour de Nantes en raison à mon avis: d'une politique de développement territoriale réfléchie à l'échelle pertinente et d'une prise de conscience des effets pervers par les populations, en particulier cout du transports.  

Si je parle d'un sujet que je connais bien, à savoir les transports en commun, on a assisté depuis 20 ans à un mouvement de croissance qualitative et quantitative de l'offre de service: il ne s'agit moins d'offrir un service public a minima pour les captifs qui n'ont pas le choix que de créer les conditions (tarifaires, de confort, de niveau de service...) pour rendre attractifs ces derniers. En ce sens, les politiques publiques ont pris conscience de la nécessité d'offrir des conditions de déplacement digne de ce nom pour tous, respectueuse des individus et de l'environnement. Le renouveau des TER par exemple peut être considéré comme une réponse à l'enclavement de certaines Régions.
Enfin, Christophe Guilluy nous indique que le rêve de l'habitat individuel est venu de la création de la classe moyenne des trente glorieuses. Pour défendre mon statut de bobo, si l'idéal pour les classes supérieures est l'habitat en centre ville, le vivre ensemble (même si il est plus du discours que la réalité), la création d'un espace urbain de qualité et respectueux de l'environnement... Pourquoi il ne percolerait pas selon le même processus vers les classes populaires qui trouverait un espace urbain de qualité, à prix maîtrisé permettant de se constituer un capital au sein des agglomérations. Ce qui a fait fuir les classes populaires au delà des prix du foncier, c'est aussi la dégradation du cadre de vie urbain et la recherche d'une meilleure qualité de vie. Il n'y a pas de fatalité à mon sens à maintenir le pavillon individuelle et la grosse voiture comme idéal d'ascension sociale.  

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