Le projet des deux lignes de tramway du bassin minier dans le Nord Pas de Calais est planté comme indiqué dans les deux articles de la voix du nord là et là.
Après un an tout rond d'étude de maîtrise d'œuvre (des études préliminaires jusqu'à la mise en service) dont nous n'avons réalisé que les Études Préliminaires, les élus ont décidés de rebattre les cartes en recommençant au commencement avec un plan de déplacement urbain et des études de faisabilité.
Le président du Syndicat Mixte des Transports (SMT) n'est même plus cité dans l'article de presse. Le tracé présenté sur le site internet du SMT n'est donc plus d'actualité et les concertations préalables sont à classer dans les rendez vous ratés. Les subventions Grenelle I & II pour respectivement la ligne Liévin-Lens-Hénin Beaumont (LLHB) et la ligne Bruay-Béthune-Beuvry (BBB) ne seront plus effectives.
Si je perçois une certaine frustration pour m'être beaucoup investi dans les études préliminaires, un agacement de voir plus de 50 kg papier d'études mis à la poubelle, de voir partir en fumée les montants financiers engagés (que j'estime tout compris à environ 4 millions d'euros), je me sens rassuré car le tracé tel que voté dans par le conseil syndical du SMT était très éloigné de ce qui définit un projet de transport en commun cohérent et économiquement viable.
Dans les causes de cet échec, je mettrais en avant plusieurs aspects.
La nécessité d'avoir un consensus autour des études de faisabilité
Avant de lancer des études de maîtrise d'oeuvre dont l'objet est de réaliser le tramway concrètement, les études amonts doivent être menées de manière approfondie et surtout être l'objet d'une réelle concertation et d'un consensus. Il s'avère dans le cas présent que les études de maîtrise d'oeuvre ont été lancées sur la base d'un d'études partielles et surtout non partagées par l'ensemble des acteurs.
Sans apporter de jugement sur le travail réalisé en amont, il est certain que le programme tel que donné en début d'étude ne faisait pas consensus. Les enjeux n'étaient pas partagés et sans portage politique clair, personne n'avait de réelle idée du pourquoi un projet de tramway? pour répondre à quel besoin? Dans quelle dynamique urbaine ce projet s'inscrit il? A mons sens, c'est le pêché originel de ce projet qui se paye aujourd'hui. Les études une fois lancées, même avec toute la bonne volonté du monde, il est très difficile, voir impossible de rectifier le tir.
La stratégie du bluff n'est pas appropriée à la conduite de projet d'infrastructure d'envergure
L'ensemble du processus jusqu'à aujourd'hui à consister à repousser à plus tard les décisions majeurs ou à occulter les vrais questions. Les différents acteurs politiques, syndicat mixte, mandataire de maîtrise d'ouvrage ont joué un drôle de jeu à base de politique de la chaise vide, de déclaration par presse interposée, de non débat, d'intrigues de palais...
En tant que maître d'oeuvre nous n'avions pas accès aux décideurs et une certaine censure s'est instaurée sur les enjeux techniques pour laisser la place aux guerres politiques. Il en est ressorti que les différentes étapes ont été franchies sur la base de non décision en avançant coute que coute. Naïvement j'aurais tendance à penser que lorsque l'on mène un projet de cet envergure, les traits techniques principaux qui le caractérisent doivent être présentés et validés clairement aux différentes étapes. La réalité est plus nuancée mais dans le cas présent, les retours de flamme sont bien réels.
Peut être aussi la nature du territoire multipolaire du bassin minier et l'étendu du périmètre de compétence du SMT, structure transcommunales sans portage politique fort ,ne permettent pas de mener un projet de manière classique. Je n'ai pas assez d'expérience ou de recul pour apporter la solution.
La politique d'appel à projet du Grenelle de l'environnement montre ses limites
La participation de l'Etat aux projets d'infratsructures de transport passe aujourd'hui par un système d'appel à projet dit Grenelle I, II etc. Il est demandé aux différents collectivités de candidater pour obtenir des subventions à un instant T sans avoir de visibilité sur la date ou l'existence même d'un futur appel à projet. Cette politique s'oppose à ce qui a été fait dans les années 90 et début 2000 où des règles de subventions étaient définies avec des candidatures au fur et à mesure de l'avancement des différents projets. Pour être honnête, il faut reconnaître que le calendrier des appels à projet Grenelle correspondait au calendrier politique des élections municipales.
Dans le cas présent, cela s'est traduit par une accélération du processus avec une présentation d'un projet mal ficelé pour ne pas rater le coche (cela a été le cas également pour nombre d'autres projets). L'ensemble du processus se trouve bousculer pour respecter les échéances de premier coup de pioche débloquant le versement des subventions étatiques. C'est aussi une des raisons qui a poussée à avancer coute que coute sur des bases non consolidées.
C'est une nouvelle page de ma carrière professionnelle qui se tourne, ce fut malgré tout très enrichissant. Je dédicace cet article aux enquêtes publiques qui sont des gardes fous primordiaux face aux décisions parfois erratiques et à l'ensemble des acteurs du bassin minier avec qui mes rapports furent aussi divers qu'enrichissant.
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