lundi 7 avril 2014

Pour Cendres - Revue Artistique


 "Non, je ne peux pas écrire. Je ne peux pas écrire. De quoi voulez-vous que je parle? Les mots ne sont plus propices pour dire. De toute façon, ils se sont envolés de l’avion, quelque part entre la ville de Printizi et celle de San Marin. Ils se sont effrités entre deux mondes. Ils se sont dégonflés comme des ballons de baudruche entre deux patries, aussi étrangères l’une que l’autre: l’ancienne, celle qui ne m’a pas choisie, et la nouvelle, celle des autres. Ils se sont éparpillés en vulgaires lettres sans passé et sans histoire. Pour cendres, les mots ne peuvent plus dire!  Ils ne peuvent que raconter… Raconter des histoires… Sur l’amour, la genèse, la mort… notre mort. Oui, les mots précédent la mort et la disent. Ils ne sont bons qu’à cela… Raconter les morts de chacun d’entre nous et les lui infliger toutes.
Croyiez-vous que la mort est une pour chacun? Détrompez-vous. Nous mourrons plusieurs morts et nous les mourons toutes sans discontinuer…  En français le mot désigne tant la personne que le fait de mourir. Heureuse coïncidence; intelligente nation.  Chacun ses morts donc, et va pour la syllepse de sens…
Croyiez-vous que vos morts m’enlèveraient le sommeil? Ha! La seule chose susceptible de m’arracher du sommeil, c’est mon rhume! Bon rhube don de dieu!!
Alors, de quoi voulez-vous parler? Raconter des histoires? Des histoires sans vie en attendant la mort… Taisez-vous plutôt et regardez…
Raconter des histoires… Transcrire une réalité préexistante en adéquation avec vos représentations, à savoir avec tout ce qui n’est pas vous mais qui vous rattrape.
Le langage te trahit. C’est pourquoi tu as bien fait de t´en débarrasser et de le jeter aux tartares italiens! Mais sans lui tu avances nu, vulnérable certes, mais prêt aussi à construire ton propre langage. Et quand le passé te rattrapera – parce qu’il te rattrapera – tu ne seras plus dupe. Ses histoires, plaisantes certes et nostalgiques, ne sont pas les tiennes.
S’il était une fois, il n’est plus.-" © Evdokia Kimoliati, Janvier 2014


C'est la sortie officielle de la revue POURCENDRES, revue d'artistes plasticiens, mais aussi d'écrivains et de théoriciens de l'art et de la littérature. Evdokia Kimoliati, jeune femme née à Athènes et vivant à Paris, nous invite dans son univers littéraire et plastique. 

Longue vie  à cette nouvelle revue à suivre donc!


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