samedi 24 novembre 2018

Critique acerbe - les gilets jaunes ne sont qu'un mouvement poujadiste bas de plafond



Par les temps qui courent, certains français se sont affublés d'un gilet jaune et protestent contre la montée des prix du carburant. La conscience de gauche de certains amène à analyser ce mouvement à l'aune d'une pression fiscale trop importante sur les classes populaires et les classes moyennes. Ceux de droite et d'extrême droite reprennent les mêmes arguments. 


En tant que militant anti voiture de longue date, expert en mobilité et urbaniste de formation, je ne puis que m’insurger face à ce mouvement rétrograde et poujadiste qui fleure bon la mentalité pré crise pétrolière des années 70. Je sais aussi que l'on va me traiter de bobo parisien privilégié part d'une élite socio culturelle. C'est surement vrai mais ça n'empêche pas d'avoir une vision d'ensemble et je n'ai pas honte de mon mode de vie. Je peux aussi dire que je viens d'un milieu rural pas réellement privilégié.   

On nous dit que des gens se retrouvent "obligés" de prendre leur voiture. La raison en est que depuis des décennies, l'énergie peu chère et la prédominance de l'automobile ont conduit à un étalement urbain. Cet aménagement du territoire est une impasse écologique, sociologique et politique. http://me3zaa.blogspot.com/.../du-vote-fn-et-de... Dans mon territoire d'origine, Bergerac, en 20 ans on a vu les centres se dévitaliser, les commerces de proximité s'effondrer face au développement de zones commerciales périphériques surdimensionnées et la campagne se couvrir de véritables imitations de mas provençaux à bas cout. Si on pense, comme moi, que l'enjeu environnemental devient critique, il faut se demander comment faire évoluer notre modèle de développement économique, urbain, périurbain et rural. 

Agir sur le prix de l'énergie est un levier important pour changer les comportements, la stratégie d'implantation des ménages, l'organisation du travail. Il ne faut pas réfléchir toutes choses égales par ailleurs mais repenser le paradigme. On a beau jeu de parler de ceux qui ont "absolument besoin d'une voiture", prenons au mot et regardons chaque situation. On trouvera des mesures adaptées car pour une infirmière qui a besoin de se déplacer en milieu rural, on ne va pas justifier de l'énergie peu chère pour tous. Pour les autres, il faut assumer ses choix, dans cet article du monde, ce ménage est allé s'installer au milieu de rien, a installé son activité économique à 35 km de chez eux et viennent aujourd'hui nous dire que le cout du transport est insupportable. 

En termes de solutions, il ne faut pas remonter très loin dans le temps pour envisager des modèles pertinents, à Paris, il y avait 1000 km de tramway au début du 20ème siècle. Le train couvrait l'ensemble du territoire et on avait jusqu'à pas longtemps encore des commerces de proximité (ma grand mère n'a jamais eu de voiture et vivait dans une petite ville de 2500 hab). Plutôt que faire des lotissements moches en deuxième our troisième périphérie, essayons de densifier autour des axes de transports et des gares. Sur la question du prix de l'immobilier, je suis un privilégié qui a les moyens de s'acheter un appart dans Paris mais je vis à 4 avec ma petite famille dans 62 m2. Il y a aussi des choix de vie sous jacent et c'est important que chacun ait conscience de l'impact sur la planète qui y sont liés (et je ne suis pas exemplaire non plus loin de là).

Sur la dimension sociale, il est trompeur et pervers de mettre le débat sur les gilets jaunes sur le plan de la lutte des classes. Alors que les classes populaires sont soumis à une insécurité sociale et économique grandissante, les gilets jaunes n’ont pour la plupart jamais participé à un quelconque mouvement social (d’après ce que disent les articles de presse en tout cas). Ils manifestent quand on touche à leur voiture et revendique comme un droit d’avoir de l’énergie peu chère quelque soit l’impact. Il y a une erreur de fond dans le discours. Polluer tout seul dans sa voiture n’a jamais été et ne sera jamais un droit fondamental du développement humain. Si les gilets jaunes veulent faire un geste pour le social, il ferait mieux de militer pour l’augmentation du smic, le développement de l’offre HLM en zone dense ou la protection de notre modèle social en danger.  

En termes politique, je ne soutiens pas le gouvernement plus que ça mais je pense qu'il faut rester sur la même politique sur ce plan. ça me fait malheureusement penser à l’écotaxe. Il y avait un consensus politique pour la mise en place d'un mécanisme sain de taxation du fret routier au profit du développement des transports en commun. Ségolène Royal a capitulé en rase campagne face à 3 bonnets rouges et le lobby du transport routier. Résultat des courses, le développement des transports en commun manque cruellement de financement (et on vient nous dire qu'il n'y a pas d'alternative à l'automobile) et le fret ferroviaire continue de s'écrouler face à la concurrence du transport routier. On peut avoir tous les beaux discours sur l’écologie, pour faire bouger les lignes, il y a des moments un peu douloureux à passer et ce sera moins dramatique en France que les gens qui se prennent des typhons, inondations ou sécheresses à répétition. « Les élites parlent de fin du monde, quand nous, on parle de fin du mois » dit cet article. Dire cela c'est une négation d'une pensée globale que tout le monde est capable de comprendre, notre modèle va dans le mur. Pour travailler dans le domaine du développement, je peux mesurer également à quel point nous sommes du bon côté de la frontière.