mercredi 28 décembre 2022

Réseaux sociaux - de l'utopie à une réalité inquiétante et des perspectives positives de l'espace civique mondial

  • Un monde et des technologies qui changent 

L'émergence du numérique et de l'internet dans les années 80-90 a produit une utopie dans laquelle je m'inscris sur l'abolition des barrières dans l'accès au savoir et une forme d'horizontalisation de l'espace civique comme levier pour faire peuple. A ce titre "Petite Poucette" de Michel Serres a été une grande inspiration tout comme les récits des origines de l'internet et la dimension libertaire des origines. Le numérique et les réseaux sociaux sont un formidable moyen de faire du lien et libérer la parole. 

Depuis, la France une et indivisible est morte avec Johnny nous explique Jerôme Fourquet dans "L'archipel français", le monde se multipolarise et se refragmente, les populistes de tout crin accèdent au pouvoir dans le monde et détruisent patiemment et avec une conviction et une efficacité certaine l'espace civique. J'y reviendrais dans un futur article. 

  • L'ère du web 2.0 et réseaux sociaux 



  • En tant que quadra, je ne suis pas un digital native, je suis allé la première fois sur internet à 18 ans et à l'époque le moteur de recherche dominant était Alta Vista. J'ai eu mon premier téléphone portable à 20 ans et c'était loin du smartphone. J'ai vu naître les acteurs majeurs actuels des GAFA qui n'existaient pas lors de ma formation initiale (mis à part Apple qui était à l'époque une petite part de marché des ordinateurs personnels). J'utilisais des minidiscs pour écouter la musique et les mp3 étaient balbutiants. 

    Je m'interroge sur la place des réseaux sociaux et du web 2.0 dans le monde actuel, de l'usage qui en est fait par les générations qui suivent, ce que ça a changé pour les générations au dessus, ses effets bénéfiques et ses travers. Je viens de finir deux ouvrages "le business de la haine" de Jean Louis Missika et Henri Verdier (le grand monsieur du numérique et de l'action publique en France à qui on doit notamment la naissance d'Etalab) et "Nous sommes les réseaux sociaux" de Serge Abiteboul (je vous conseille sur lui l'excellent "le code a changé: le français qui a vu naître google"). Je vous livre ici ce que j'en ai retenu. 

    • Un constat inquiétant  de bulles informationnelles incitant à la haine et à la défiance 

    Si les réseaux sociaux ont permis une libération de la parole et d'entretenir des réseaux de solidarité, d'amitié ou de se tenir informé. Plusieurs facteurs concurrent au même phénomène de dérive.  

    i) Le numérique a la particularité de pouvoir adapter le contenu à chaque individu ce qui change radicalement le paysage; le modèle économique et le fonctionnement des médias 

    Dans une perspective historique, Henri Verdier et JL Missika nous rappelle que la période des trente glorieuses avec une information unifiée au niveau national (l'ORTF puis les trois chaînes en onde herztienne) avec comme modèle une information globale où l'on essaye d'aller vers une information la plus partagée par tous. Le modèle économique des médias était la publicité et les subventions publiques assurant une pluralité de l'information. A contrario, début 20ème, prenant l'affaire Dreyfus comme paragon, les lecteurs de journaux étaient polarisés et vivaient dans des bulles informationnelles. 

    Les réseaux sociaux viennent recréer ce phénomène de bulles informationnelles.. à plus grande échelle... de manière encore plus fragmentée. 1/3 de l'humanité est actuellement sur des réseaux sociaux (3 Mds revendiqués pour Meta ex facebook, 450 millions pour twitter etc....). Les technologies ont des cycles de progrès de plus en plus courts et on mesure mal les impacts de l'émergence de ces nouveaux acteurs. C'est particulièrement insidieux dans la mesure où ma génération et celle d'avant était habitué à un espace civique et médiatique unifié. Les scandales à répétition dont Cambrige Analytica   ont montré les effets délétères que cela peut avoir sur le fonctionnement démocratique, la montée des complotismes et une défiance générale vis à vis des médias et des classes dirigeantes. On l'a vu aussi sur l'émergence de nouvelles formes de mobilisation "shuntant" les corps intermédiaires: mouvements des gilets jaunes, mouvement antivax ou plus récemment... la dernière grève SNCF 2.0 faites sans les syndicats (et même contre la CGT!).  

    Le pendant est que les médias traditionnels, dont Le monde pour citer celui auquel je suis abonné, ont complètement changé de modèle économique et s'adressent à leurs abonné.e.s plus qu'à la majorité qui veut justement une information de qualité "à l'ancienne". On crée de fait une nouvelle bulle informationnelle pour ce public ciblé. 

    Aujourd'hui, à mon petit niveau d'homme CSP +, hétéro, blanc, français depuis n génération, je m'attriste d'être complètement coupé de pans entiers de la société française dans une incompréhension (et une aversion) mutuelle ce que les circuits d'information des réseaux sociaux renforcent. Voir ici le "traumatisme" qu'a été le mouvement des gilets jaunes pour moi sur ma déconnexion avec le peuple (de a bagnole) auto revendiqué.   

    ii) L'économie de l'attention et la montée des incitations à la haine  

    Les caractéristiques des réseaux sociaux est donc leur propension à attirer l'attention des utilisateurs pour la monétiser auprès d'annonceurs à qui on promet (et obtient) un ciblage extrêmement fin des consommateurs. Dans une culture de l'instantanéité, d'une certaine paresse intellectuelle (dont j'assume ma part), Henri Verdier et JL Missika nous démontrent que la "pute à clic" et les contenus clivants voir haineux ont la part belle et sont ceux qui induisent le plus de réaction et d'interaction. Ce n'est pas rassurant sur la nature humaine mais c'est un fait qui est accentué par le pseudonymat et la dimension virtuelle du cyberespace. (écouter les podcasts "pourquoi internet favorise la droite?" )  

    L'autre mécanique est donc la collecte massive de données personnelles par les Facebook et consorts qui permettent à des algorithmes de cibler les contenus en fonction des profils des utilisateurs selon leurs gouts personnels, leurs affinités politiques, leur caractéristique socio économique, leurs préférences sexuelles, leur ethnie et j'en passe (je n'ai plus la source, mais j'avais lu que Facebook nous classe en 98 catégories). Les algorithmes se complexifient et utilisent les technologies les plus à l'avant garde (machine learning,...) pour encore mieux cibler. Les travers associés sont l'opacité des algorithmes qui sont à la main des entreprises privées transnationales (et qui atteignent des degrés de complexité tel que personne n'a plus de vision d'ensemble paraît il). Ils prennent de facto le rôle d'éditorial en nous "poussant" les contenus selon leurs propres logiques.     

    On a donc un double effet de démultiplication des bulles informationnelles dont une majorité fonctionne sur l'affect, les messages d'incitation à la haine, de remise en cause des fondements de la rationalité cartésienne et de défiance généralisée envers l'information mainstream. Je suis toujours surpris de l'illusion que peut donner les recherches internet dans l'élaboration de théories fumeuses et le sentiment de tout à chacun d'être un érudit qui peut avoir un avis sur tout. A ce titre, j'en veux beaucoup aux personnages publics de véhiculer des discours complètement loufoques sous couvert de diplôme universitaire prestigieux (cf cette déclaration d'un pseudo philosophe qui se prétend quand grand scientifique sur le COVID ou bien sur l'inénarrable Didier Raoult qui a instillé le doute dans la population française). 

    iii) L'impossible régulation/modération?   

    Les deux ouvrages nous racontent la même histoire d'une course (veine?) entre la technologie, la position ultra dominante et transnationale des réseaux sociaux d'une part et les Etats ou groupe d'Etats (UE) pour réguler et modérer. Je vous passe la liste des différentes lois qui ont émergées et qui sont toujours un cran en retard. La nature même des réseaux sociaux avec la masse de contenu (720 000 heures de vidéo ajoutées sur youtube, 500 M de tweets et 30 Mds de photo sur instagram par jour) et l'instantanéité  d'une diffusion virale rend extrêmement complexe la modération. Par exemple, la tuerie de Chirstchurch en Nouvelle Zélande diffusé en facebook live a été dupliquée et supprimée des millions de fois. Les algorithmes de modération sont toujours en retard d'une guerre comme nous l'explique l'autre épisode du code a changé Modération: défi et dilemmes

    Mais la principale tension tient à la responsabilité de cette modération avec un transfert vers les acteurs de la tech mais qui agissent selon leurs propres fonctionnement souvent éloigné des fondements de notre système démocratique. Serge Abiteboul et Jean Cattan ouvre la question de la nature étatique d'un Facebook qui par ses "règles de communauté" fait loi sur son réseau (et même voulait battre monnaie à travers la cryptomonnaie Libra) mais qui n'est régit que par ses motivations propres et sa gouvernance d'entreprise privée. Le principal enjeu d'un Facebook est d'acquérir des membres et de ne pas faire peur à ses réels clients qui sont les annonceurs. Le reste n'est que relations publiques et domaine des spin doctors? 

    L'autre tension est de ne pas remettre en cause le droit d'expression avec ainsi beaucoup de lois qui ont été censurées dont la loi française Avia "Loi contre les contenus haineux sur internet"  Si certains contenus sont facilement identifiable et clairement prohibés (pédopornagraphie,...), beaucoup de contenus se situent dans une zone grise, particulièrement dans un contexte transnationale avec des langues, des cultures, des religions, des lois différentes...   

    • A toutes les échelles des impacts sur l'espace civique et les modes gouvernements  

    i) Le risque des dérives totalitaires Big Brother 3.0

    Dans les régimes totalitaires (mais pas que?), le risque est d'entrer dans une ère de surveillance généralisée dont le numérique est un levier nouveau. Il n'y a plus besoin d'avoir 80 000 agents de la stasi pour espionner la population mais d'algorithmes utilisant l'information que nous produisons nous même. L'exemple le plus glaçant nous vient de chine mais les Etats Unis ou les pays européens ne sont pas en reste sous couvert de lutte contre le terrorisme. 

    Un laurier pour l'Union Européenne qui est en avance sur cette question de la protection des données personnelles avec le fameux RGPD et donne un cadre de protection dans le farwest actuel. D'ailleurs, même avec les meilleures intentions, les risques de dérive, sont importants quand les gouvernements commencent à utiliser les données des réseaux sociaux pour traquer la fraude fiscale ou par exemple pour prévenir les risques pour les citoyens de tomber dans la précarité. Je vous conseille d'ailleurs à ce titre l'excellent livre d'Aurélie Jean "De l'autre côté de la machine"  qui décrypte bien les biais algorithmiques et qui nous rappelle que "science sans conscience n'est que ruine de l'âme" comme nous disait Rabelais avec une dimension apprenti druide des acteurs de la tech qui font le monde de demain sans le penser alors que les philosophes actuels pense un monde qu'ils ne comprennent plus par manque de culture scientifique. 

    ii) Pour les pays démocratiques à court terme, la menace d'explosion de l'espace civique 

    Dans nos pays démocratiques, le risque principal est la cyberbalkanisation de l'espace civique. Nous nous montons le bourichon chacun dans nos bulles informationnelles et par extension nous nous défions entre groupes sociaux C'est une des sources de la montée des populismes, d'une défiance et d'une déconnexion vis à vis des classes dirigeante. Les mécaniques du complot s'affolent par exemple avec le mouvement QAnon, dont je n'ose même pas décrire la logique tellement elle est extravagante, mais dont les effets sont réels avec une descente d'un quidam avec une kalachnikov dans une pizzeria de Washington "repère de pédocriminel affilié au parti démocrate". Récemment, crise sanitaire aidant, on a vu les éléments les plus loufoques circuler, aider par la méconnaissance de ce virus et les dires contradictoires des gouvernements désorientés par la nature et l'ampleur de l'épidémie. 

    Cela pose également la question de la légitimité de nos institutions, des règles de fonctionnement dans un espace mondialisé. Les deux livres nous parlent beaucoup des Etats et de leur rôle, cela me pose question quand ces derniers sont, si ce n'est moribonds, du moins mal en point.  Michel Serres nous dit dans petite poucette en 2013 "Je vois nos institutions luire d'un éclat semblable à celui des constellations dont les astronomes nous apprennent qu'elles ont déjà mortes depuis longtemps déjà." 

    Peut on reprendre le contrôle et apporter une réponse institutionnelle étatique à ce sujet des réseaux sociaux et de régulation du numérique? Tout au moins, la question de l'échelle d'intervention est clairement au niveau des grandes masses et la plupart des exemples donnés parlent surtout d'Union Européenne qui est la seule à avoir le poids nécessaires pour s'affronter à ces mastodontes que sont les acteurs de la tech. Comme pour l'environnement, c'est l'échelle à laquelle on peut avoir une action significative avec les critiques associées de fondement démocratique et de trappe à la technocratie. 

    Est ce à dire qu'une gouvernance "technique" mondiale comme celle des protocoles de communication (TCP IP) se heurte à la dimension très philosophique et politique des réseaux sociaux?  Et surtout à l'antinomie d'une régulation en mode commun numérique (Wikipedia, OpenStreetMap,...) face aux modèles économiques de ces acteurs?

    • Des pistes optimistes - "Primum non nocere"*

    Les deux livres citent abondamment les évolutions de la législation européenne avec le RGPD en 2016 et récemment les Digital Service Act (DSA)  et Digital Market Act (DMA) en 2022. Le premier vise à protéger les données personnelles, le DSA vise à responsabiliser les entreprises via une co régulation et le DMA vise à assurer la libre concurrence et éviter les oligopoles des géants de la tech. Nous verrons ce que cela donne, des clauses de revoyures sont prévues pour mettre à jour ce cadre réglementaire. 

    JL Missika et Henri Verdier nous liste les écueils à éviter selon le principe "Primum non nocere". N'en déplaise aux grincheux, les réseaux sociaux sont une réalité ancrée et massive. Les jeunes générations grandissent avec, cela ouvre d'ailleurs un champs des possibles incroyables et a mis un grand coup de pied bienvenue dans une conception de la parole publique unique et académique descendante. C'est perturbant à beaucoup d'égard mais a aussi des potentialités infinies. 

    Pour toute régulation, les écueils à éviter sont ainsi i) ne rien faire ii) abandonner la régulation aux entreprises iii) abandonner la régulation à l'Etat iv) affaiblir la démocratie v) menacer internet vi) pénaliser l'innovation. Toute tentative est donc un chemin d'équilibriste visant à éviter ces contraintes. 

    Les pistes évoquées sont ainsi les suivantes:  

    - Reprendre le contrôle démocratique des algorithmes à impact social. A minima oeuvrer pour une transparence algorithmique permettant aux citoyens lambda de comprendre la logique sous jacente des algorithmes de recommandation, tout au moins les grandes lignes. 

    - Favoriser le pluralisme des algorithmes: en lien avec le point au dessus, laisser le choix des différents algorithmes de recommandation (un algorithme qui met en avant le sport le WE, ou un algorithme privilégiant les contenus académiques...) 

    - Dégrouper les acteurs systémiques: sur le modèle des lois antitrust, soit éviter les achats engendrant de trop grandes concentrations, soit en démentelant les acteurs actuels. Mais la clef est la notion de portabilité des droits pouvant permettre de passer d'un réseau social à un autre en important ses contacts, son historiques etc... afin de ne pas être captif d'un seul réseau sur le modèle des télécoms aujourd'hui. 

    - Encadrer la publicité personnalisée: les auteurs pose la question de la régulation, de la limitation, voir de l'interdiction de la publicité politique personnalisée aux vues des multiples dérives que cela a entraîné et continuera d'entraîner sur la manipulation des opinions publiques.  

    - Assurer la soutenabilité des producteurs d'information: plus facile à dire qu'à faire mais  les auteurs nous rappellent le besoin d'avoir des médias de qualité indépendants alors que la plupart des journalistes subissent le contrôle des Etats ou des grands groupes privés. c'est donc un défi pour le journalisme de réinventer des modèles et d'assurer un contrôle qualité sur l'information. Entre nous, c'est la dimension qui me semble la plus compliquée à mettre en  oeuvre.  

    - Instaurer un contrôle démocratique de l'espace public:  "Il est temps de fonder la gouvernance internationale de l'espace public." Les auteurs invoquent les exemples de la gouvernance des couches profondes d'internet et les expériences de gouvernance mondiale (ONU, GIEC....) qui bien que très imparfaite ouvre des perspectives intéressantes. Le contrôle par les pairs sur les modes wikipedia est aussi une piste particulièrement riche. 

     




    *tout d'abord, ne pas nuire






    lundi 26 décembre 2022

    Grève à la SNCF : les leçons d’un mouvement social 2.0

    https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/12/24/greve-a-la-sncf-les-lecons-d-un-mouvement-social-2-0_6155596_3234.html

    Grève à la SNCF : les leçons d’un mouvement social 2.0

    Avec de nouvelles méthodes et de nouveaux outils, la grève hors syndicats des contrôleurs marque un tournant dans l’histoire des mouvements sociaux dans le groupe public ferroviaire.

    Par Eric Béziat Publié le 24 décembre 2022 à 09h56, mis à jour à 07h27 

    Au lendemain d’un week-end de grève qui aura vu 200 000 Français privés de leurs trains, l’heure était au retour à la normale. La signature d’un accord entre la direction et les syndicats de la SNCF, qui a mis un terme au conflit lancé par un collectif de contrôleurs, n’a pas empêché les perturbations autour de Noël. Les trains se préparant plusieurs jours à l’avance, ils n’avaient pas pu être reprogrammés à temps. Mais, lundi 26 décembre, les TGV et Intercités roulaient de nouveau comme prévu. Et surtout, pour le Nouvel An, les voyageurs échapperont à un nouvel épisode de galères et d’annulations.

    Voilà qui met fin à un mouvement atypique à bien des égards. Portant sur des revendications spécifiques des contrôleurs, également appelés chefs de bord ou agents du service commercial train (ASCT), il a été porté par un groupe de contrôleurs, le Collectif national ASCT (CNA). Il marque à ce titre un tournant dans l’histoire des grèves du groupe public ferroviaire et illustre ce que pourrait être une forme de mouvement social 2.0. Comment un conflit échappant au cadre institutionnel habituel de la SNCF, y compris syndical, a-t-il pu ainsi prospérer ? Voici quelques éléments de réponse.

    Des alertes mal relayées

    « On a un dialogue social qui ne marche pas à grande vitesse, observe, ironique, Sabine Le Toquin, secrétaire nationale de la CFDT-Cheminots et contrôleuse. Il est faux de dire que les syndicats n’ont rien vu venir. Nous avons tous vu l’incendie prêt à éclater. Depuis le Covid, la situation n’était plus tenable pour les ASCT – pression face aux clients, incidents de sécurité, charge mentale et absence de reconnaissance. Nous avons alerté. Nous avons eu droit à une écoute polie, mais pas de vraie remontée de l’information, pas d’alerte à la direction. »

    Dans leur ensemble, les syndicats incriminent la réorganisation sociale de la SNCF qui a accompagné la création des comités sociaux et économiques (CSE), remplaçants des comités d’entreprise. Les nouvelles instances sont devenues des machines énormes, gérant des milliers de salariés sur de vastes territoires, parfois à l’échelle de la France. Le système a entraîné la disparition de 70 % des représentants du personnel, élus syndiqués de proximité. « Maintenant, il faut parfois faire 200 kilomètres pour trouver celui qui va vous répondre, relève Mme Le Toquin. Les collectifs naissent d’absence de proximité avec le management de l’entreprise et avec les organisations syndicales. »

    De son côté, le gouvernement semble avoir identifié ce point comme un sujet à traiter. Dans un entretien au JDD, le ministre des transports, Clément Beaune, a jugé, vendredi 23 décembre, nécessaire d’« avoir une écoute plus attentive au sein des entreprises publiques et (…) de réfléchir à des dispositifs d’alerte sociale, de négociations internes à l’entreprise ».

    Une atomisation de l’entreprise et des revendications

    « Depuis vingt ans, nous vivons des restructurations qui ont conduit à un éclatement de la SNCF, à un millefeuille d’organisations. Rien de tout cela n’a plus de sens, cela crée une catastrophe sur le terrain. » Ainsi parle F., contrôleur, compagnon de route du CNA, sans en être membre directement. Il évoque avec nostalgie le début de sa carrière, où l’on pouvait passer de chef de gare à contrôleur, de TER à TGV. La dernière réorganisation – majeure –, celle de la réforme ferroviaire de 2018, a séparé les principales activités de la SNCF en différentes sociétés anonymes (SA), dont la SA SNCF Voyageurs, qui emploie les contrôleurs.

    « En éclatant l’entreprise, on a éclaté la revendication collective », estime Mme Le Toquin. De fait, cette nouvelle organisation en silos fait prospérer les doléances corporatistes, avec lesquelles les syndicats ne sont pas très à l’aise. « On a instauré une culture de la démobilisation, ajoute le contrôleur F., Face à cette dérive, le CNA a joué un rôle de lanceur d’alerte. »

    Un franc rejet des institutions

    Le conflit des contrôleurs de Noël aura été porté par le collectif des contrôleurs, à la dynamique spectaculaire. Sa page Facebook a rassemblé 3 500 personnes, à comparer aux 7 000 contrôleurs actifs (en équivalent temps plein). Il agrège d’anciens élus syndicaux déçus par le syndicalisme institutionnel et beaucoup de salariés qui étaient hors des circuits militants traditionnels.

    Le collectif a prospéré sur Facebook et sur plusieurs boucles WhatsApp ou Telegram, où s’échangent informations et ressentis. « On ne se connaît pas pour la plupart et les commentaires ça part un peu dans tous les sens, relate F., le contrôleur anonyme, mais on s’est retrouvés dans le partage de notre mal-être. »

    Une des caractéristiques du mouvement, c’est sa volonté farouche de mise à distance des institutions. Revendiqué comme asyndical, le CNA se méfie de toute récupération. L’un de ses leaders, animateur de la page Facebook, qui le week-end des 17 et 18 décembre cherchait à éviter que le mouvement n’affecte les départs de Noël, a dû se mettre en retrait, victime d’invectives et de menaces. La page Facebook a été d’ailleurs été mise en sommeil en début de semaine.

    La méfiance, voire la défiance, envers la presse est également grande. Les membres du CNA évitent pour la plupart de parler aux journalistes. Ils semblent d’ailleurs avoir été meurtris par le traitement de leur actualité. « Nous dénonçons l’acharnement médiatique que les contrôleurs et les contrôleuses ont subi depuis plusieurs jours et nous n’oublierons pas », ont-ils écrit dans un communiqué publié vendredi 23 décembre.

    S’ils ont eu besoin des syndicats pour disposer de préavis sans lesquels la grève dans les services publics serait illégale, les contrôleurs du collectif seraient, du moins pour certains d’entre eux, tentés de s’en émanciper complètement. « Ce qui se murmure en ce moment sur Telegram, raconte F., c’est : “Puisqu’on nous demande les mêmes efforts que dans le privé, pourquoi nous faudrait-il des préavis ? On devrait pouvoir se passer des préavis, comme dans le privé.” »

    Le rôle inédit des syndicats

    Un peu pris de court par l’activisme du CNA, les syndicats représentatifs à la SNCF ont tenté de s’adapter à cette nouvelle donne, en lui offrant – fait inédit – un cadre et les outils juridiques qui lui manquaient. En dehors de l’UNSA-Ferroviaire, organisation peu représentée chez les ASCT, tous ont déposé et maintenu des préavis permettant aux contrôleurs de faire grève à Noël et au jour de l’An, alors même qu’ils n’appelaient pas à la grève. Ils se sont fait les porte-parole des revendications du collectif lors des négociations avec la direction.

    La CGT-Cheminots a eu beaucoup plus de mal que SUD-Rail et la CFDT-Cheminots à prendre en compte ce mouvement parallèle. « La CGT a refusé de soutenir le collectif depuis le début, précise F., puis a lancé son propre préavis avec ses revendications pour rester dans le “game”, car elle sentait le vent tourner. » Le communiqué du CNA saluant la fin du mouvement n’intègre d’ailleurs que ces deux derniers syndicats. SUD-Rail assume sans ambiguïté ce soutien à une organisation non syndicale. « SUD-Rail continuera à soutenir celles et ceux qui prennent leur destin en main », explique la fédération, qui rappelle qu’elle est aux côtés des contrôleurs auto-organisés depuis le mois d’octobre.


    jeudi 27 octobre 2022

    Andalousie

    Nous avons pu prendre 1 semaine en amoureux hors saison pour aller en Andalousie où je n'avais jamais mis les pieds. Que de merveilles! 
    • Le voyage 

    Le périple a commencé par un geste écologique, nous y sommes allés en train. C'était long mais avec un bon bouquin ça passe crème. Deux options s'offrait à nous, par Hendaye Irun ou par Perpignan avec le corollaire de la pause à Madrid ou Barcelone. 


    Nous avons ensuite passé du temps à Séville, puis déambulation en voiture pour passer par Cadix, une nuit à Ronda, une nuit à Frigiliana et enfin Grenade. 

    • Séville
    Mère de toute les villes andalouses, quelle cathédrale avec également une culture du flamenco encore très vivace. Petit moment de grâce sur un toit terrasse avec la cathédrale en arrière plan, un concert de flamenco guitare et flute. 



    Pour une autre occasion, je pense que ça vaut la peine de prendre un guide pour pouvoir pousser les portes des multiples palais et autres demeures qui s'ouvre sur un patio intérieur. 




    Le minaret transformé en clocher




    Alcazhar, pendant que nos seigneurs moyenageux se gelaient dans des châteaux forts sombres et froids, les andalous islamiques construisaient des palais magnifiques dont la magnificence coupe le souffle.  

    • Cadix 
    Porte océanique de l'Andalousie et très vite port d'attache des galions espagnols partant vers le nouveau monde, la ville de Cadix est une ville ile à l'identité géographique et historique singulière. Elle a même été la capitale de l'Espagne le temps des conquêtes napoléoniennes, les résistants ayant fait sauter le pont reliant la ville.  






    • Ronda 
    Au milieu de la sierra, une ville perchée sur un éperon avec une vue magnifique sur la campagne environnante. 





    • Frigiliana 
    Après une escale à Marbella, très belle définition de la notion de bétonnage d'une côté, nous avons pu nous apprécié la petite ville de Frigiliana. Après les plaines verdoyantes du Guadalquivir et de la sierra. Le paysage de la costa del sol ressemble plus à ce que nous attendions, ie un paysage méditerranéen avec des villages blanc immaculés à flanc de colline. 



      
    • Grenade 
    Inoubliable Alhambra au pied de la Sierra Nevada enneigée et douceur de vivre au sein de la ville entre tapas et terrasses animées. Continuation et persistance historique, l'Alhambra se caractérise par ses nombreuses fontaines et bassins, l'approvisionnement en eau vient de la Sierra et reprend ... le système hydraulique mis en place par les romains.