vendredi 19 décembre 2014

Les villes « intelligentes » : utopie urbaine ou cauchemar ? L'urbanisme et la ville intelligente

Un article intéressant du monde. Au delà des poncifs habituels sur la ville intelligente ou "smart city", une mise en perspective par rapport à la nature de l'urbanism, du rôle du politique au sens noble et du vivre ensemble. A titre personnel, je suis persuadé qu'il y a une révolution en cours et qu'elle va permettre des gains et des évolutions sensationnelles. 

Néanmoins, comme cet article, je reste persuadé que la ville est avant tout l'humain. Les technologies ne doivent que nous permettre de nous libérer des tâches les plus répétitives et ingrates, d'optimiser les systèmes pour nous permettre d'aborder des nouvelles façon d'inventer le collectif. A ce titre, les algorithmes ne doivent pas prendre le pouvoir et la ville ne se résume pas à une équation. D'autant plus, si les algorithmes sont contrôlés par des ingénieurs ou pires des entreprises. 

Je suis en effet toujours perplexe quand pour innover et penser la ville intelligente, on s'adresse.... aux entreprises. Les intérêts privés sont par définition différents de l'intérêt public. 

A ce titre, je milite pour la création d'un service public numérique qui s'affranchirait des intérêts privés. A la collectivité de créer une identité numérique pour chacun avec les gardes fous nécessaires et permettre des développements en open source pour faire bénéficier à tous de la révolution en cours sans modèles économiques sous jacents.

A Paris par exemple, je proposerais que l'on créé une identité numérique citoyenne et des services open source à destination du service public mais aussi des initiatives citoyennes! 

 

Les villes « intelligentes » : utopie urbaine ou cauchemar ?

LE MONDE CULTURE ET IDEES | • Mis à jour le | Par
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A Nice, les trottoirs sont intelligents. Depuis mars 2013, la ville y a installé 1 000 capteurs qui repèrent les voitures stationnées et avertissent les nouveaux horodateurs à antenne Wi-Fi, eux-mêmes reliés à l’ordinateur central Nice City. Celui-ci prévient les habitants sur leurs portables des places disponibles en ville, de l’état du trafic et des spectacles du jour. Grâce à ce système, la mairie espère éviter les embouteillages causés par les perpétuelles recherches de stationnement, réduire les émissions de C02 et rendre la ville plus attractive.

Vue de Hong Kong.
Cette expérimentation, qui a suivi l’installation de 915 caméras VSI (la vidéosurveillance intelligente, capable de repérer une personneagitée ou trop immobile dans une foule, de déceler un cri, un bris de vitre, et de lire sur les lèvres à 200 mètres), a précédé le premier « boulevard connecté » d’Europe, inauguré en mai 2013. Deux cents capteurs ont été intégrés aux lampadaires, aux conteneurs d’ordures et à la chaussée du boulevard Victor-Hugo afin d’analyser la qualité de l’air, la température, le bruit, le trafic et le taux d’occupation des déchets. Toutes ces données sont regroupées sur une plate-forme logicielle qui les mutualise et les redistribue aux habitants, par Internet. Résultat : les poubelles alertent les services de propreté quand elles sont pleines, un pic de pollution est aussitôt annoncé, les lampadaires règlent leur luminosité en fonction des piétons. Selon le maire, Christian Estrosi, le but est d’informer « en temps réel » sur ce qui se passe en ville, afin d’« économiser de l’énergie », de « faire participer les habitants » et de « mettre en place des nouveaux services ».

La grande utopie urbaine de l’ère numérique

Cette cité hyperconnectée, associant génie numérique et information des citadins, autorégulation et souci écologique, est devenue la grande utopie urbaine de l’ère numérique. On l’appelle la « ville intelligente » ou « smart city ». Si elle reste encore un idéal futuriste, dont la définition et la mise en place soulèvent d’intenses batailles d’idées et de rudes arbitrages économiques, de très nombreuses agglomérations françaises (Grenoble, Issy-les-Moulineaux, Lyon, Montpellier, Nantes, Nice, Paris, Strasbourg) et internationales ont commencé à la mettre en chantier, s’appuyant sur une réalité incontournable : les nouvelles technologies de l’information et de la communication (les TIC) participent désormais de l’aménagement urbain, s’intègrent à la rue, au mobilier, à l’infrastructure des immeubles, aux monuments, aux magasins, jusqu’aux arbres.
Tous ces éléments deviennent « intelligents » au sens où ils sont équipés de capteurs, de microprocesseurs, de cellules, de puces, de logiciels, d’antennes. Ils produisent et traitent des données, sont dotés de mémoire, évaluent leur consommation d’énergie, communiquent grâce au Wi-Fi avec d’autres machines informatisées – ce qu’on appelle l’Internet des objets – et renseignent le big data de la ville, dont la masse d’informations converge vers des plates-formes de pilotage. Enfin, à l’image du Tower Bridge de Londres qui prévient sur son compte Twitter de ses ouvertures, ils interagissent avec les habitants, eux-mêmes équipés de téléphones intelligents.

Les grandes cités, univers en expansion

En 1858 déjà, Victor Hugo écrivait : «  Chaque année, chaque jour, chaque heure, par une sorte de lente et irrésistible infiltration, la ville se répand dans les faubourgs et les faubourgs deviennent des villes. » Un siècle et demi plus tard, les grandes cités, univers en expansion, abritent la moitié de la population mondiale – 70 % en 2050. Aujourd’hui, les agglomérations consomment 75 % de l’énergie produite, émettent 80 % du CO2 et concentrent la plupart des problèmes majeurs et des espoirs de l’humanité. Il ne se passe plus une semaine sans qu’un colloque d’experts ne soit consacré aux cités intelligentes et aux solutions qu’elles proposent. En Europe, plusieurs réseaux interurbains en discutent – Actipole 21, Eurocities, Green & Connected Cities, Urbact, Ville Internet –etles think tanks se multiplient : Chronos, Fondation Internet nouvelle génération, Transit City. Selon les analystes stratégiques d’ABI Research, le marché global des technologies des smart cities devrait passer de 8 milliards de dollars (6,5 milliards d’euros) en 2010 à 39 milliards en 2016.
A Paris, la maire Anne Hidalgo a présidé en novembre le forum Smart City du Grand Paris, rassemblant des responsables de grandes villes ainsi que de nombreux industriels (Bolloré, Bouygues, Decaux, ERDF, IBM, Orange, Microsoft, Veolia). Elle a évoqué avec enthousiasme une future «  ville ingénieuse qui interroge le fonctionnement des réseaux, des aménagements et des flux urbains afin d’économiser ses ressources ». La « Cité idéale » est un vieux rêve de l’humanité depuis la tour de Babel de l’Ancien Testament montant jusqu’au ciel (Genèse 11, 1-9) ou l’île d’Utopia mathématisée de Thomas More (1516). A chaque fois, de grands rêves mais aussi des conceptions philosophiques, politiques et démocratiques sous-tendent ces extraordinaires projets : la smart city n’y échappe pas.
La « Cité idéale » est un vieux rêve de l’humanité depuis la tour de Babel de l’Ancien Testament montant jusqu’au ciel
Un modèle de ce que pourrait être une ville intelligenteest souvent mis en avant : le quartier de Songdo à Incheon, en Corée du Sud, équipé par Cisco Systems. Ouvert en 2009, destiné à accueillir 65 000 habitants, il est considéré par certains urbanistes comme le projet le plus innovant depuis Brasilia (1960). Toutes les tours de Songdo (dont une de 487 mètres, inachevée), ses rues, ses équipements, ses véhicules sont hautement informatisés. Descapteursanalysent la fluidité du trafic et repèrent les accidents, les pertes d’énergie sont traitées en temps réel, les toits sont végétalisés, les déchets des immeubles collectés par un gigantesque aspirateur souterrain afin d’éviter des transports coûteux et polluants. Un ordinateur central, l’U-media Center, consultable par les habitants depuis le terminal de leur appartement, coordonne les services de la ville. Chaque maison, construite à 75 % en matériaux recyclables, dispose d’un système de téléprésence et d’un poste de commande domotique.
Les promoteurs de Songdo évoquent une ville intelligente parce qu’ubiquitaire : tous les maux inhérents à l’univers urbain (sécurité, pollution, déchets, embouteillage, dépenses d’énergie) sont décelés, renseignés et traités en temps réel, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, par une plate-forme de gouvernance et la participation des habitants connectés. Ils comptent vendre le concept clé en main aux grandes métropoles asiatiques.
Pour Jean-Louis Missika, adjoint à l’urbanisme à la Mairie de Paris, les innovations des smart cities ne sont pas seulement « ingénieuses », elles sont intelligentes au sens de « la bonne intelligence » : elles permettent d’améliorer la gouvernance urbaine. « Nous voyons se profiler une ville où les grands secteurs traditionnels (transports, voirie, énergie, bâtiment, espaces verts, loisirs) historiquement séparés en grands silos font converger leurs données, travaillent en connivence, dit-il. Ces échanges nous aident à faire des économies, mais aussi à imaginer des nouveaux services. » Voilà pourquoi, en janvier 2015, la mairie annoncera la mise en place du premier « comité de pilotage global de Paris », qui centralisera toutes les informations utiles à la gouvernance de la capitale.

Une conception des villes qui inquiète

Si les aspects positifs de la numérisation des villes ne manquent pas, la smart city porte aussi une conception des villes qui inquiète. Selon de nombreux spécialistes, la ville intelligente vient en droite ligne de la révolution cybernétique de la seconde moitié du XXe siècle. Si celle-ci a permis de comprendre les mécanismes d’autoguidage et d’autorégulation de tout système échangeant de l’information – cellule biologique, animal, cerveau, machine en mouvement –, elle a par la suite bouleversé l’intelligence artificielle, la robotique et l’urbanisme.
Pour le professeur d’histoire d’architecture à Harvard Antoine Picon, «  l’idée que la ville est un système complexe, gouvernable à la manière d’un vaisseau, apparaît quand les théories cybernétiques rencontrent l’informatique. Beaucoup pensent alors qu’on va pouvoir construire des villes informatisées, autoguidées, orchestrées par des modèles systémiques et des algorithmes, dirigées depuis un dash board, un grand tableau de bord ».
La ville ne saurait être gouvernée comme une grande machine, en élaborant des solutions techniques pour résoudre une à une ses difficultés
Sans nier l’apport de l’Internet des objets dans la gestion urbaine, l’historien voit dans « cette tentation néocybernétique » une conception « naïve, exagérément simplifiée et réductionniste de la ville ». Dans son essai Smart Cities. Théorie et critique d’un idéal auto-réalisateur (B2, 2013), il critique ceux qui oublient que la ville est collectivité humaine, politique, ouverte, multiple, changeante, inachevée. La ville n’est pas « un système, elle n’est pas modélisable ». Elle ne saurait être gouvernée comme une grande machine, en élaborant des solutions techniques pour résoudre une à une ses difficultés : ce qui s’appelle la « solutionnite ». « Si on les laisse s’exercer sans partage, ces théories cybernétiques débouchent sur une gestion technocratique de l’urbain et un escamotage des choix politiques et démocratiques. Cela rend nerveux l’humaniste que je suis ! », conclut-il.
L’historien n’est pas le seul à s’alarmer. Un mouvement critique des villes intelligentes, mené par des architectes, des sociologues, des politiques et des associations, se développe depuis dix ans, internationalement. Dans son essai Againt the Smart City (1.3 edition, 2013, non traduit), l’urbaniste américain Adam Greenfield décrypte la philosophie implicite des discours tenus par les industriels du secteur et les artisans du projet Songdo. Il s’élève contre un « positivisme logique impénitent, qui suppose que le monde urbain est en principe parfaitement connaissable, son contenu dénombrable, et que toutes ses relations peuvent être codées de façon significative, sans partialité ou distorsion ».

Les données sont « quantitatives, jamais qualitatives »

Il s’oppose à « la mystification des données numériques », partout présentées comme « objectives », « limpides » et « transcendantes ». Les données, constate l’urbaniste, sont « quantitatives, jamais qualitatives  », et leurs significations dépendent des choix politiques qui ont présidé à leur recherche : installer des capteurs sur les bancs pour repérer les dormeurs ou ajouter un dispositif de reconnaissance faciale aux caméras qui surveillent la fluidité du trafic relève d’une conception de la sécurité publique. Quant aux données, elles peuvent être biaisées par une lecture trop partisane ou des fonctionnaires trop soucieux de leurs résultats. Il arrive aussi que les ordinateurs s’usent, buggent, deviennent obsolètes, si bien qu’une ville risque de devenir dépendante d’industriels intéressés à des solutions toujours plus techniques.
Pour Adam Greenfield, la connaissance comme la gouvernance d’une ville s’appuyant sur les TIC et les seules données numériques sont un rêve d’ingénieur. Or un ingénieur, si intelligent soit-il, ironise la sociologue néerlando-américaine Saskia Sassen, autre spécialiste de l’urbain, « n’est qu’un des utilisateurs de la ville ». Sa logique ne correspond pas toujours à celles des autres citadins, qui la pratiquent au jour le jour, inventent des usages. Voilà pourquoi Saskia Sassen pense qu’il faut « urbaniser les technologies », et associer les habitants à la création des services.

De nombreux collectifs facilitent la vie urbaine

Aujourd’hui, plusieurs logiques s’affrontent, parfois cohabitent, sur le déploiement de la smart city. A Paris, Jean-Louis Missika reconnaît que « l’intelligence d’une ville est aussi celle de ses habitants, qui ne réagissent pas toujours comme le prévoient les programmes d’aménagement et trouvent leurs propres solutions comme, par exemple, le covoiturage et le partage. Il nous faut les faire participer  ». Depuis dix ans, les usages urbains judicieux et économes venus des traditions urbaines coopératives et associatives ne manquent pas. En Ile-de-France, de nombreux collectifs existent, qui cherchent à faciliter la vie urbaine : ShareREvolution (consommation coopérative), Freecycle (recyclage par le don), le FabShop(ateliers de quartier), La Ruche qui dit Oui !, sans oublier tous ceux qui se fédèrent sur les réseaux sociaux pour organiser des apéritifs surprises, des concerts improvisés, des flash-mob ou des fêtes.
Ces initiatives, qui se développent avec la crise économique, proposent d’autres usages des réseaux intelligents et des TIC, voire les détournent comme le collectif I-See (Institute for Applied Autonomy) qui cartographie les rues sans caméras. Associatifs, moins directifs, appuyés sur des besoins immédiats, parfois rebelles, ces mouvements prennent de l’ampleur. A Sciences Po, Dominique Boullier, bon connaisseur des technologies cognitives, parle de l’apparition d’une « ville contributive », une autre forme de l’intelligence urbaine : « A côté de la data city rêvée par Google, de la smart city voulue par IBM et Cisco, une wiki city se dessine, où les habitants s’associent, donnent leur avis, coopèrent. C’est la logique de l’innovation ascendante, le “bottom up”, qui se méfie des solutions imposées par le haut, le “top down” ».

 « L’intelligence viendra du pluralisme des choix »

Ces mouvements associatifs exigent souvent que l’ensemble des données numérisées et des statistiques des mairies soient rendues publiques – le courant de l’open data  afin de pouvoir juger des projets publics en connaissance de cause et intervenir, ici sur un programme d’urbanisme, là sur l’ouverture d’une crèche, etc. Rédacteur en chef de la revue Cosmopolitiques, Dominique Boullier constate que ces initiatives ont commencé de remonter, non sans combat, vers les décideurs urbains. Il pense que les différents modèles de ville intelligente (data, smart et wiki) coexistent déjà et se combineront de plus en plus à l’avenir. «  L’intelligence, dit-il, viendra du pluralisme des choix, des aménagements et des types d’urbanisme.  » Autrement dit, elle viendra du politique : du grec polis, la cité.

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/pixels/article/2014/12/18/l-aube-des-villes-intelligentes_4543267_4408996.html#2p5STp3izXexGUEs.99

samedi 13 décembre 2014

France Télécom, la mécanique de la chaise vide

Une enquête parue dans le monde qui m'a profondément déprimé. Chronique de la violence économique institutionnalisée à grande échelle et ses conséquences tragiques. 



LE MONDE | • Mis à jour le | Par


Didier Lombard n'est pas réputé pour la diplomatie de ses discours. Ce vendredi 20 octobre 2006, le patron de France Télécom réunit deux cents cadres à la Maison de la chimie, à Paris. Dans cet amphithéâtre Art déco du très chic 7e arrondissement, ils sont en famille. Inutile de prendre des gants pour insister sur la nécessité d'une « transformation profonde » de l'entreprise et son corollaire, une réduction massive des effectifs. « Si l'on n'y arrive pas, on n'échappera pas au plan social. Il faut qu'on sorte de la position "mère poule". Olivier Barberot – le DRH – va vous parler de ce qu'on a en tête. Ce sera un peu plus dirigiste que par le passé. C'est notre seule chance de faire les 22 000 [départs] », explique le PDG au micro. « En 2007, prévient-il, je les ferai d'une façon ou d'une autre, par la fenêtre ou par la porte. »
Ce soir-là, Didier Lombard expose son plan à trois ans : 22 000 départs, 14 000 mutations, et 6 000 embauches en compensation. Sur les 110 000 salariés que compte l'entreprise, une personne sur cinq doit partir. Assise dans un coin de la salle, Marie-Claude Marguerite, la secrétaire de l'Association des cadres dirigeants et supérieurs (l'Acsed), laisse tourner son magnétophone pour retranscrire le plus fidèlement possible les interventions. Les propos sont d'une telle violence que, dix jours plus tard, on lui demande de tout détruire. « Il ne doit rester aucune trace audio de cette convention », lui explique t-on.
Après ce topo sans détour, tout a commencé à se dérégler à France Télécom. Les arrêts maladie se sont multipliés. Certains salariés sont partis d'eux-mêmes. D'autres ont résisté à la pression. D'autres, enfin, n'en ont pas eu la force. Un soir, un matin, ils ont pris un stylo, rédigé une dernière lettre à leur compagnon, à leur femme et à leurs enfants, à leur chef de service parfois, avant de mettre fin à leurs jours. Soixante personnes se sont suicidées en trois ans. Elles ont été trente-cinq pour les seules années 2008 et 2009. Les syndicats ont déposé une plainte, un juge d'instruction a été nommé.

Cynisme

En juillet 2012, France Télécom et ses trois principaux dirigeants – Didier Lombard, son numéro deux, Louis-Pierre Wenes, et le DRH Olivier Barberot, « le bon, la brute et le truand » comme ils se sont eux-mêmes surnommés – sont mis en examen pour « harcèlement moral ». En cette fin d'année 2014, sur le point de clore leur enquête, les juges ont convoqué quatre cadres supérieurs pour les interroger sur le calvaire subi par les salariés. Deux d'entre eux, Nathalie Boulanger et Jacques Moulin, ont déjà été mis en examen pour « complicité de harcèlement moral ». Deux autres étaient convoqués devant les juges les 11 et 12 décembre pour répondre de faits similaires. Coincés entre les ordres de la direction et la peur de perdre leur emploi, leur position était difficilement tenable. Mais certains n'ont-ils pas fait du zèle et contribué à accroître la pression exercée sur les équipes ?
Le plus frappant à la lecture de l'épais dossier judiciaire dont Le Monde a pris connaissance est certainement le cynisme avec lequel l'éviction de 22 000 salariés a été pensée et planifiée. Des salariés craqueraient et resteraient sur le bord du chemin, c'était écrit ; assumé même. Par centaines, des cadres, des ingénieurs, des responsables en ressources humaines, ont été formés à pousser leurs collègues à bout. Pendant trois ans, ils ont travaillé avec cette unique obsession : faire partir les salariés de la grande maison. Les bons, les faibles, les fragiles, les anciens, les derniers arrivés, qu'importe – du moment que, à la fin du mois, une, deux ou trois chaises supplémentaires soient libérées. Durant ces années, entre 2006 et 2009, la réduction d'effectifs prime sur tout le reste.
Chaque semaine, en « codir », le comité de direction, deux heures de réunion sont consacrées au sujet. On compte, on recompte, on bâtonne. On abuse de cette « novlangue » composée de néologismes, d'anglicismes et d'euphémismes, on insiste sur la nécessaire « mise en instabilité » des équipes, nouveau credo. Les « départs potentiels, prévus ou à faire, région par région, ou par direction » sont inscrits sur de grands tableaux. On rappelle les cibles prioritaires : les plus de 55 ans, qui, jusqu'en 2006, bénéficient d'un congé de fin de carrière, mais aussi les mères de trois enfants, auxquelles on offre un départ anticipé après quinze ans de maison. Les autres sont classés. Des logiciels comparent la production et la performance de chacun. Les moins bien notés, les « low managers », sont les prochains sur la liste.
« Nous sommes toujours en ligne avec l'objectif, mais il ne faut pas relâcher la pression à quelques semaines de la fin de l'année (…). 676 aboutis, soit 67 % de l'objectif annuel à deuxmois de la fin de l'année. (…) Les 1 000 sont atteignables avec un "bon coup de collier". » Des mails comme celui-ci, envoyé parCorinne (des salariés travaillant toujours chez ex-France Télécom, leur anonymat a été préservé), il s'en échange par centaines chaque semaine. La direction impose sa « cadence », définit ses « process », fixe les objectifs de départ, le plus souvent irréalistes. Chantal, responsable business en Languedoc-Roussillon, ne les réalise presque jamais. Une fois, elle est « félicitée de [les] avoir tenu[s] » : si elle a réussi, explique-t-elle, « c'était d'une part parce que je partais et d'autre part parce qu'un membre de mon équipe venait de mourir d'un cancer ».
« On faisait des jeux de rôle pour se mettre en situation de convaincre quelqu'un qui ne voulait pas partir. »
Le plan est ambitieux, il faut s'en donner les moyens. En 2005, France Télécom ouvre une « école du management », à Cachan (Val-de-Marne), entièrement consacrée au projet. Elle devient l'une des pièces maîtresses de cette réduction massive d'effectifs. Chaque année, 4 000 « managers de managers » (les cadres supérieurs) y sont formés. Le cursus « Next », acronyme de « nouvelle expérience des télécoms », dure dix jours. « Le sujet, c'était : comment accompagner les gens pour quitter l'entreprise », se rappelle Chantal devant les policiers de la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP). « On faisait des jeux de rôle pour se mettre en situation de convaincre quelqu'un qui ne voulait pas partir. C'est ainsi qu'une "courbe de deuil" nous a été présentée. »
La psychiatre et psychologue américaine Elisabeth Kübler-Ross a théorisé les différentes étapes par lesquelles passe une personne en fin de vie et les a reportées sur une courbe. Ses travaux sont récupérés, détournés, puis appliqués au monde de l'entreprise pour expliquer la résistance des salariés au changement. La mort, ici, c'est la perte d'emploi. Une personne à qui l'on annonce sa mutation brutale ou son départ passe nécessairement par une phase de déni, de renoncement et de colère, puis d'acceptation, enseigne-t-on aux chefs d'équipe. En clair, si un salarié déprime, rien de plus normal, cela fait partie du « process ». Certains, en revanche, ne remonteront jamais la pente. Mais l'entreprise ne peut plus rien pour eux. L'époque où France Télécom recasait tout le monde est révolue, a expliqué Didier Lombard sur la scène de la Maison de la chimie.
Lire la tribune de Didier Lombard : « France Télécom n'a pas agi contre ses salariés »
La génération entrée aux PTT dans les années 1980 a du mal à admettre cette nouvelle culture. Recrutés sur concours, ces hommes et ces femmes sont venus faire carrière aux Télécoms. Les deux mots « service public » avaient du sens pour eux. Le Minitel fut leur fierté, l'arrivée d'Internet, un nouveau défi. France Télécom, c'est aussi le berceau du syndicalisme moderne. En 2004, la maison est privatisée. Les mots d'ordre s'adaptent à cette transformation : il faut désormais vendre, faire du chiffre, avant de rendre service.
Il n'y pas d'état d'âme à avoir, insiste Thierry Lasselin, le directeur de l'école de Cachan, peu sensible au « management bienveillant » qui émerge aux Etats-Unis. « Il faut au total réduire l'effectif de 16 000 personnes, donc une baisse de 15 % sur trois ans (…). Il reste 12 000 départs à faire, donc 6 000 par an, calcule-t-il. Si l'on considère qu'il y aura des départs naturels en retraite à hauteur de 1 500 par an, ça nous donne 4 500 départs externes à organiser chaque année. Or, en 2006, on en a réalisé 1 700… Il y a un véritable enjeu ! Cette démarche exige des managers de plus en plus mobilisés… »
Thierry Lasselin est un homme énergique et direct. Pour convaincre ceux qui ne veulent pas changer de poste car ils s'y trouvent bien, rien de plus simple : il faut « les brusquer un peu pour provoquer une réflexion ». Certaines personnes « ne sont pas assez "proactives" » « Supprimer le poste pour faire bouger », « retirer la chaise ». Il prodigue ses conseils pour conduire les entretiens individuels : « Parlez avec des  "si" » ; « si on fermait » ;« si tu devais bouger »… Quant à celui qui ne voudrait « ni changer de métier ni changer de région, il n'y a pas de solution pour lui au sein du groupe ».

Les « oubliés » du déménagement

Chantal se souvient de ces journées de formation où l'on s'échange « trucs » et « astuces » pour pousser ses collègues à bout. Sylvie accorde 0 % de part variable à ceux qui refusent de partir. Jean-Jacques, DRH dans l'est de la France, suggère d'interdire tout « codir » aux plus de 55 ans éligibles au congé de fin de carrière et de les déchoir de tout « poste important ». Un autre suggère de fixer des objectifs irréalisables aux commerciaux. L'application sur le terrain est immédiate. C'est ainsi que Michel se voit retirer sa voiture de fonction après avoir refusé de partir à la retraite. Dans le même esprit, Sandrine n'a plus ni badge ni bureau à son retour de vacances.
Cela s'appelle du harcèlement. « Là où le licenciement n'est pratiquement pas possible », ce comportement « est érigé en méthode », note le psychosociologue Jean-René Loubat, dans la revue Liaisons sociales, au début des années 2000. En 2006, France Télécom compte encore 75 % de fonctionnaires. Le risque d'agir aux franges de la légalité plutôt que de licencier est assumé par la direction juridique qui, compte tenu des instructions, avoue n'avoir « d'autre choix que de tenter des licenciements pour motif perso » et de proposer des « transactions en croisant les doigts ».
Contrairement aux idées reçues, le père de famille est un être facilement démobilisable. Proposez-lui du jour au lendemain un poste à 200 km de chez lui, il se découragera très vite. Les enfants, « passé un certain âge », « ne constituent plus un critère », rappelle Thierry Lasselin, depuis ses locaux de Cachan. Yves, directeur adjoint, fait les frais de cette nouvelle politique. « Quand on m'a proposé un poste à 250 km de chez moi, la DRH (…) m'a dit que c'était à prendre ou à laisser, car ce serait pire la fois suivante. » Et, de fait, quelques semaines plus tard, on lui parle d'une place de chef de projet à Paris, alors qu'il vient de s'installer à Montpellier. « Il était évident pour tout le monde que je ne souhaitais pas déménager », explique-t-il aux enquêteurs de la BRDP. Yves a refusé la troisième offre, celle de la Martinique. Il ne lui restait plus qu'à se présenter à « l'espace développement », voie de garage des salariés sans emploi, les « ED ».
Plus vicieuse, mais très efficace : la technique des « oubliés » du déménagement. Etienne Annic et Vincent Talaouit l'expérimentent à leurs dépens. Un matin, ils se retrouvent seuls au deuxième étage d'un immeuble de Montrouge (Hauts-de-Seine), sans chaise ni bureau, en compagnie d'armoires vides, alors que leurs collègues viennent d'emménager à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine). La direction a admis une « idiotie », un « loupé », mais une aventure similaire est arrivée à Guy, responsable de 600 personnes à Villeneuve-d'Ascq (Nord). A force de traverser tous les matins la grande salle vide qu'il occupait quelques jours auparavant avec ses équipes, d'être tenu à l'écart des décisions, il a fini par accepter la fusion de son service avec celui d'une collègue, qui a pris sa place.
Les DRH suivent leur propre cursus de formation. « On nous apprenait à calculer les primes de départ, il y avait des ateliers pour apprendre à démontrer les bienfaits de la retraite », décrit Eric aux enquêteurs.

« Repostuler sur son ancien emploi », une humiliation

La déstabilisation est générale. Même les services épargnés par la mobilité sont touchés. A la direction de la communication du Sud-Ouest, chacun a dû « repostuler sur son ancien emploi », alors que, théoriquement, rien ne changeait. Tous l'ont vécu comme une « humiliation ». D'autant qu'il y a toujours un perdant au jeu des « chaises musicales ». Cette fois, c'est tombé sur Gérard.Un matin, son chef occupait son poste. A Annecy-le-Vieux (Haute-Savoie), Claude a cru qu'il serait récompensé pour avoir recasé ses équipes et fermé proprement son agence. Il n'en fut rien. Lui aussi s'est retrouvé sur un plateau, un casque sur les oreilles, à traiter les appels de la clientèle, toujours susceptibles d'être écoutés en même temps par sa hiérarchie.
Au quotidien, tout rappelle le « time to move ». Les cadres doivent changer de poste tous les trois ans. Au mur, dans chaque service, un tableau recense les départs. Les entretiens d'évaluation ne sont plus annuels mais mensuels. Chaque semaine, les chefs de département demandent à leur « n + 1 » et « n + 2 » le point sur leurs « objectifs de déflation ». Les plus dévoués des cadres recensent les réussites et les retards de chacun et les envoient à la direction.
Et puis il y a ce mail du vendredi, veille de week-end. Sur les plateaux, c'est devenu un jeu, un exutoire. « Le voilà ! », annonce à l'assemblée le premier qui le voit arriver. Le message établit la liste des emplois disponibles dans la fonction publique territoriale des alentours, ou rappelle que le temps est sans doute venu de passer le concours des impôts, ou bien encore de créer sa propre affaire. « Le message était clair, la porte de l'entreprise était grande ouverte », décrypte Régis, spécialiste de l'installation de standards téléphoniques. Puis le courriel du vendredi est devenu bihebdomadaire. La dernière année, il en arrivait trois par semaine.
Les cadres de France Télécom étaient classés en trois catégories : « les exécutants », « les protecteurs » et « les exécuteurs »
France Télécom a beau penser à tout, jusqu'à recruter des « outplaceurs » – des sortes de « coachs » – pour accompagner les cadres qui doivent annoncer les départs et motiver ceux qui restent, Dominique, responsable de 170 personnes en Rhône-Alpes, n'a pas supporté cette situation. Il a pris du poids, n'a plus dormi et a fini par partir en disponibilité. En réunion, « j'entendais des termes, un langage guerrier, qui me choquaient et qui n'existaient pas avant. (…) Cette façon de parler des gens, (…), je ne m'y retrouvais pas, ça me minait (…). Le week-end, j'appréhendais la reprise du lundi », confie un autre chef de service au cabinet Technologia. Ce spécialiste du stress en entreprise a rédigé un épais rapport sur les conditions de travail chez France Télécom pendant les années Next. « En tant que manager, on nous demandait d'identifier des fautes professionnelles ou de les construire », confie Jean-Paul. En formation, il a appris à être « plus strict sur le contrôle de présence, des horaires, des comportements », dans le seul but de « monter un dossier correct qui permette ensuite de lancer des actions ».
Les experts de Technologia ont classé les cadres de France Télécom en trois catégories : « les exécutants », « les protecteurs » et « les exécuteurs ». Ces derniers ont « exécuté les directives » sans « état d'âme ». « Cela doit vous paraître amoral, mais j'ai une famille », s'est justifié l'un d'eux. La frontière entre les exécutants et les exécuteurs est parfois ténue. Elle est fonction du zèle déployé à obéir aux ordres. Les résistants ont fait ce qu'ils ont pu. Christian, responsable d'une équipe de techniciens en Alsace, a cessé de donner les deux noms exigés chaque mois de personnes susceptibles d'aller travailler à l'extérieur, lorsqu'une de ses collègues a fondu en larmes à la vue du sien sur le tableau.

Les « sans-poste », des infréquentables

« Ce qui est pervers, c'est qu'une partie de notre rémunération est assise sur l'atteinte des objectifs, explique aux enquêteurs un cadre en ressources humaines. C'est la nature humaine : des personnes pouvaient être tentées de lesatteindre à tout prix. » La moitié de la part variable du salaire est fonction de l'entrain mis à pousser des hommes et des femmes hors de l'entreprise. Les moins diligents « perdaient leur poste et leur rémunération variable (…) sans explication et sans entretien », quand les « bons » gestionnaires étaient promus.
Les suppressions de poste sont annoncées par courrier. Les salariés désignés ont trois mois pour trouver un point de chute, sinon, c'est la plate-forme de vente – « métier prioritaire » – ou l'« espace de développement » (ED), refuge des « sans-chaise ». Se retrouver en « ED » devient la hantise de tous. Sur le papier, les employés doivent y trouver une aide à la rédaction des CV, des conseils « pour élaborer leur projet professionnel ». Dans les faits, « on laisse pourrir la situation jusqu'à ce qu'ils partent d'eux-mêmes », explique un dirigeant aux enquêteurs. Certains restent, « quatre, cinq mois », à ne rien faire. Seul dans un bureau, à ruminer, à se demander pourquoi eux.
La mise au placard est une maladie contagieuse chez France Télécom. A peine ciblés, les « sans-poste » deviennent infréquentables. Plus personne ne leur adresse la parole. Si on leur dit bonjour, c'est de loin, après s'être assuré qu'il n'y a personne d'autre dans le couloir. Une personne craque et fond en larmes ? Son voisin se lève, prend son PC et part s'installer ailleurs. Quelques-uns culpabilisent. « Ils sont là, ils nous voient bosser comme des abeilles, alors on prend un quart d'heure pour discuter mais on n'en fait pas assez pour les défendre. »
La machine ne s'est pas enrayée au premier suicide. Il en a fallu une longue série pour que les « abeilles » commencent à lever la tête. Dans certains cas, le lien avec la dégradation des conditions de travail ne fait pas de doute. Le 9 septembre 2009, Yonnel, technicien à Troyes, apprend au cours d'une réunion sa mutation. Aussitôt, il se lève et se plante un couteau dans le ventre. « Mon chef n'est bien sûr pas prévenu, mais je serai la 23e salariée à me suicider, écrit Stéphanie à son père, à la veille de se donner la mort. Je n'accepte pas la nouvelle réorganisation du service. Je change de chef et pour avoir ce que je vais avoir je préfère encore mourir. » Le lendemain, la jeune femme, 32 ans, gestionnaire grand compte, se jette du cinquième étage de l'immeuble où elle travaillait, dans le 17e arrondissement à Paris. « Ça fera toujours un de moins », écrit quant à lui Jean-Michel, 53 ans. Un soir, vers 19h, il coupe court à sa conversation téléphonique avec une syndicaliste qui tente de le rassurer sur son avenir : « Voilà le train. » Et il se jette sur les rails.

Silence assourdissant

« Avec le recul, qu'aurait-il fallu faire ? », demande un brigadier de police à Marie-José Ruaudel, directrice de la formation en 2008. « Peut-être mieux écouter les personnes et leur ressenti », répond-elle. Les messages des syndicats, des médecins du travail, des chefs de service ont tous été délibérément ignorés. Le premier droit d'alerte des syndicats « sur la mise en danger de la santé des salariés au sein de France Télécom » date de juillet 2007. Un second est rédigé un an plus tard après cinq suicides. Même silence assourdissant. Dès 2007, les médecins du travail signalent des « décompensations » « liées à des suppressions de poste ». En 2008, l'équipe du Nord-Ouest-Centre insiste sur les « risques psychosociaux » au sein des agences. Les arrêts de travail longue durée se multiplient. Le docteur Korba, un des médecins de France Télécom,demande l'aide de psychologues, son confrère le docteur Koechlin s'étonne du grand nombre de salariés « traités par des anxiolytiques, des antidépresseurs et/ou des somnifères ».« Contrairement aux machines, l'être humain est souple et adaptable », lui répond un responsable parisien. L'histoire ne dit pas si ce dernier a suivi la formation de Cachan, mais la référence à la courbe de deuil d'Elisabeth Kübler-Ross et son parcours du déni vers l'acceptation ne semble pas loin.
Les médecins de la zone Est ont tenté de faire bloc pour interpeller ces dirigeants qui refusaient de voir. Fin 2009, ils déplorent par écrit que la direction n'ait toujours rien mis en place alors qu'« un climat de violence persiste à ce jour (…) et a des effets délétères sur la santé mentale et physique des salariés ». A Tours, comme dans l'Est, certains médecins ont fini par démissionner.
Les premiers articles paraissent en 2009. Lors d'une conférence de presse, Didier Lombard évoque « une modedes suicides ». Il quittera France Télécom en mars 2011, mais le sursaut dans l'entreprise s'amorce dès l'été 2009. En 2013, l'entreprise change de nom et devient Orange. Les organisations bien huilées ont ceci de fascinant qu'elles passent d'un extrême à l'autre avec une facilité déconcertante. Fini le décompte des départs et les mobilités forcées. On n'entend plus parler des formations sur l'art et la manière de démobiliser. Le cycle de conférences sur la guerre avec ses intervenants « tout à fait exceptionnels » – parmi lesquels le spécialiste mondial de la gestion de crise – devient subitement hors sujet. Place aux séminaires de « prévention des risques psychosociaux », d'où les cadresressortent « très choqués » après avoir pris conscience de leurs actes. On leur avait expliqué, « guerre économique » oblige, qu'il en allait de la survie de l'entreprise. Ils avaient obéi aux ordres. Ils avaient cru bien faire.

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/societe/article/2014/12/12/france-telecom-la-mecanique-de-la-chaise-vide_4539636_3224.html#Ye8THvxcZLsIEVMu.99

dimanche 7 décembre 2014

Création d'un Etat Palestinien?

Sur la base d'une infographie du parisien. Autant dire que la création d'un Etat Palestinien digne de ce nom ne serait qu'illusion... si les belligérants arrivaient à se mettre d'accord.

jeudi 4 décembre 2014

Le 6b









Petit détour urbain par le 6b, lieu culturel dans un immeuble hors d'usage entre la Seine et le canal. Marrant, ma qualité d'urbaniste m'amène à aimer ces endroits interlopes.




Une carte à blanche à  Fredde Rotbart, Guillaume Laurent, Manu Thuret et Renaud Barse  pour leur travail sur photos. Très belles œuvres,  j'ai beaucoup aimé le travail de Rotbart qui à court de photos anciennes, à solliciter son ami Guillaume Laurent pour une interprétation personnelle de ces très belles photos: Rotring et peinture sur photos.


Les différents liens: 

Juste à côté, une exposition irrévérencieuse.















NB: aller au 6b plutôt l'été....

dimanche 30 novembre 2014

Contre les violences policières





Parallèle un peu douteux je vous l'accorde mais je ne peux rester insensible aux violences policières.  Où les hommes de l'ordre ne deviennent le bras armé d'une violence que l'Etat condamne. En mémoire de Rémi Fraisse et Michael Brown.



(@ Guillaume Laurent pour les photos françaises http://www.pointlimite.fr/portfolio-i/ )



vendredi 28 novembre 2014

Opération Nez Rouges - Clowns Sans Frontières

Sur le pont Alexandre III
Sur le pont Alexandre III
Une opération bonne enfant à laquelle j'ai eu l'honneur de participer. Clowns sans frontières a organisé une opération 1000 nez rouges pour leur 20 ans. A travers le monde, l'idée est d'affubler de nez rouges des statuts, clin d’œil irrévérencieux à ces personnages et statues de prestiges. Le communiqué de presse ici.



Winston
Georges





Clou de l'opération, mettre des nez rouges sur toutes les statues des Tuileries et la statue de Jeanne d'Arc (qui d'ailleurs n'est pas très stable :-).

Jeanne





Une dédicace à mon équipe "violette" pleine de bonne humeur et d'entrain. 



Ce WE n'hésitez pas à aller au carré du temple où l'association fête ses 20 ans dans la bonne humeur avec un concert de M. et Arthur H.


vendredi 21 novembre 2014

La réforme territoriale




Un GIF animé qui présente les différentes étapes du redécoupage des Régions. On sent que ce travail s'est fait autour d'une réflexion mûre et étayée.... En tant qu'urbaniste, je suis un peu désolé. 

 (en provenance d'un article de Slate )

dimanche 9 novembre 2014

Les murs

L'histoire de l'humanité est un éternel recommencement, pour le meilleur et le pire. 
  • L'anniversaire de la chute du mur de Berlin 
Nous célébrons la chute du mur de Berlin, hérésie d'un monde bipolaire où le peuple allemand a payé au prix fort les suites de la 2ème guerre mondiale. 







Je ne peux m'empêcher d'avoir le cœur serré en pensant à ces moments de libération.

  •  Les murs à travers le monde
Dans deux articles du monde et courrier international, le point sur les différents murs qui ont proliféré à travers le monde. Traduction de multipolarisation géopolitique, les murs sont divers et éclatés à travers le monde. Ce sont près de 50 murs et 8000 km qui existent aujourd'hui. Constat amer d'un monde où les tensions régionales deviennent la règle, le processus de mondialisation a encouragé la circulation des marchandises et non des hommes (ou plutôt pour être exact, la circulation d'une seule "élite" mondialisée). 


C'est triste, derrière les murs, les peuples. Le réflexe de la citadelle assiégée est à mon sens une impasse. 

 

samedi 11 octobre 2014

Inconstance et Renoncement


Après 7 ans de vie souffreteuse l'idée d'une écotaxe sur les circulations poids lourds est enterrée. 

C'est bien sur un constat d’échec collectif à plusieurs titres: 
  • Un renoncement à toute politique ambitieuse de modification des conditions économiques du transport de fret
  • Une perte de financement pour les transports collectifs (depuis 10 ans, tous les mécanismes qui prévoyaient de mettre en place un financement stable des infrastructures ont été détricotés) 
  • Comme dirait les économistes, une inconstance des règles du jeu ne permettant pas aux agents économiques de modifier leur comportement 
  • Une lumière crue sur le pouvoir intact du lobby pétrolier et automobile   
L'Etat, les politiques et lobbys divers et variés ont pu illustrer leur courte vue et l'inconscience  coupable vis à vis des enjeux environnementaux. 

A cela s'ajoute surtout la fin de la dernière trace de crédibilité de l'action publique. En effet, voilà une loi votée à l'unanimité, un processus approuvé par les plus hautes autorités de l'Etat (même si ce dernier à travers un PPP était fort discutable), une entreprise désignée, des investissements réalisés, des portiques installés,... tout ça pour un abandon pur et simple.

Au delà de la gabegie financière dans cette période de vache maigre (à la louche je dirais que cela se comte avec au moins 8 ou 9 zéros), comment prendre au sérieux tout engagement de l'Etat? 

A quoi rime aujourd'hui le contrat social entre citoyen et État, pour aujourd'hui, pour demain, et encore plus après demain. Nous votons une loi sur la transition énergétique, aura t elle plus de 2-3 ans d’espérance de vie? Tout ça ne m'inspire rien de bon. Je n'ose pas faire le parallèle avec l'enjeu des retraites.